Capable de rester en apnée une quinzaine de minutes avant de devoir remonter respirer à la surface, le lamantin appartient, comme son cousin le dugong, à l’ordre intriguant des siréniens. Seul mammifère aquatique herbivore, c’est d’ailleurs ce régime alimentaire particulier qui lui a valu le surnom de «vache de mer», l’animal passant près d’un tiers de son temps à brouter les fonds marins.
L’environnement dans lequel il évolue étant relativement sombre, le lamantin s’est doté de vibrisses sur tout le corps afin de faciliter son orientation, et se révèle étonnamment bavard. Cris, sifflements et gazouillis en tous genres lui permettent de communiquer en permanence avec ses congénères.
Si sa chasse est aujourd’hui interdite, le trafic maritime ou la pollution marine font peser sur le mammifère bien d’autres menaces.
Le lamantin se divise en plusieurs sous -espèces à la répartition bien spécifique. Certaines, strictement marines, se rencontrent dans la mer des Caraïbes ou proche de la Floride, dans le parc des Everglades jusqu’à la Guyane.
D’autres, plutôt adaptées à l’eau douce, évoluent dans les fleuves et les mangroves du bassin amazonien, ou bien dans les eaux douces d’Afrique occidentale.
Bien que protégée aux États-Unis, l’espèce souffre toujours de la pollution des cours d’eau et de la proximité toujours plus écrasante des activités humaines. Ailleurs, ce sont encore la chasse et la déforestation qui entraînent le déclin préoccupant du lamantin.
Nous ne comptions plus que 10 000 individus en 2004, et les populations du mammifères se sont encore réduites depuis.
Si le lamantin n’a aucun prédateur naturel, l’aménagement des littoraux et le développement des activités touristiques ne cessent de grignoter son territoire. Après avoir disparu de certaines îles telles que la Guadeloupe ou la Martinique, le mammifère marin est aujourd’hui lourdement impacté par la proximité humaine, dans toutes les régions qu’il occupe encore.
Lorsque ce ne sont pas les randonnées aquatiques qui troublent sa tranquillité, ce sont les bateaux fréquents et les jets-skis qui sont sources d’accidents. Le lamantin doit en effet remonter à la surface toutes les 10 minutes environ pour respirer, et les nombreuses collisions, lorsqu’elles ne sont pas mortelles, peuvent le blesser gravement.
En 2018, 121 individus avaient ainsi été tués en Floride. Et le chiffre est en constante augmentation.
Grand amateur des plantes tapissant le fond des mers, il n’est pas rare que le lamantin s’intoxique en avalant des algues et de petits crustacés infectés par des bactéries ou des substances nocives relâchées par les industries humaines. En 2018, toujours en Floride, une « marée rouge » catastrophique avait ainsi entraîné la mort de plus de 1000 tonnes d’animaux marins, victimes d’un organisme microscopique particulièrement toxique.
2018 avait ainsi été une année noire pour le lamantin qui avait alors vu sa mortalité grimper de près de 50% par rapport à l’année précédente.
Mais la pollution marine, ce sont aussi les filets et les accessoires de pêche laissés à la dérive, dans lesquels l’animal peut facilement se prendre au piège.
Avec sa couche de graisse sous-cutanée bien trop fine pour lui permettre de maintenir sa chaleur corporelle, le lamantin se révèle particulièrement sensible aux températures descendant sous les 20 degrés.
Le stress dû au froid se manifeste généralement par des lésions blanchâtres apparaissant sur la queue, la tête et les nageoires, puis par un ralentissement du métabolisme. L’appétit diminue, la digestion se fait plus difficile et le système immunitaire affaibli permet le développement d’autres infections. À terme, si l’exposition au froid se prolonge, la maladie peut s’avérer fatale pour le mammifère.
La chasse au lamantin, prohibée en Floride dès 1904, est désormais interdite partout à travers le monde. Si l’espèce figure sur la liste des espèces menacées depuis 1973, les mesures de protection, relativement délicates à mettre en place, tardent à faire leur apparition.
Celles-ci consistent pour l’heure essentiellement à l’accueil des individus blessés dans des centres de soin, puis en leur remise en liberté après les avoir équipés d’un émetteur permettant d’assurer un suivi sur le long terme.
D’autres initiatives devront suivre dans les années à venir pour ralentir durablement le déclin de ce curieux mammifère.