Longtemps entouré de mystère, le narval doit son surnom de licorne des mers à l’impressionnante défense en spirale dont sont pourvus les mâles et qui leur permet de se défendre, de se repérer dans leur environnement et de détecter leur nourriture. Particulièrement outillé face au froid grâce à une épaisse couche de graisse sous-cutanée, c’est dans les eaux du cercle polaire que vit le cétacé, où il peut plonger jusqu’à 1500 mètres de profondeur durant la saison chaude.
S’il compte aujourd’hui parmi les espèces menacées, c’est que de nouveaux dangers se sont progressivement greffés aux prédateurs naturels du narval, avec notamment l’essor des activités humaines dans les régions arctiques et la hausse des températures.
À travers les régions arctiques, le narval est une espèce en perpétuelle migration au fil des saisons et des déplacements des bancs de poissons qui composent son alimentation. Nous le rencontrons ainsi en petits groupes de 4 à 20 individus entre la Russie et le Groenland mais aussi tout particulièrement au Canada qui accueille chaque année environ 90% de la population mondiale de narvals durant les mois les plus chauds, de la baie d’Hudson à l’île d’Ellesmere.
Le cétacé regagnera ensuite la baie de Baffin et le détroit de Davis pour passer l’hiver sous une épaisse banquise.
Dans la nature, le narval est confronté à deux prédateurs de taille. L’orque, qui reste dans tous les cas un prédateur pour la majorité des grandes espèces qui fréquentent les mêmes eaux que lui. Et l’ours polaire, qui profite des instants où l’animal vient respirer en surface pour lancer une attaque.
Pour autant ces dernières années, ce sont les activités humaines, les pollutions et le réchauffement climatique qui en découle qui ont fait peser de lourdes menaces sur le narval. Et l’incertitude concernant le nombre réel d’individus encore vivants complexifie davantage les études scientifiques portant sur l’espèce ou la mise en place de programmes de conservation adaptés.
Les températures en Arctique augmentent trois fois plus vite que la moyenne mondiale et le narval fait partie des nombreuses espèces impactées par la modification des habitats naturels.
Les variations de température et de salinité de l’eau, en plus de modifier les déplacements des bancs de poissons dont se nourrit le cétacé, perturbent sa capacité à se repérer dans son environnement et le poussent à adopter de nouvelles habitudes.
Tandis que la fonte des glaces s’accélère durant l’été, c’est l’habitat du narval qui se modifie, le rendant plus vulnérable aux attaques de ses principaux prédateurs. Paradoxalement, le réchauffement climatique entraîne aussi en hiver une augmentation de la glaciation des eaux de surface dans la baie de Baffin, et il n’est pas rare que quelques individus meurent emprisonnés sous la banquise.
Dans des régions arctiques en pleine mutation, la progression des activités humaines sur les territoires occupés par le narval tend à décupler les nuisances et les difficultés auxquelles peut être confrontée l’espèce.
En cause principalement, la pêche au flétan, très peu réglementée dans le Grand Nord, et qui prive le cétacé d’une importante source de nourriture.
D’autre part, l’augmentation du trafic de bateaux de marchandises et de l’exploitation des ressources premières, facilitée par la fonte des glaces, fait courir le risque de collisions fréquentes et d’un niveau de pollution sans précédent. Le narval se basant essentiellement sur le son pour se déplacer dans son environnement et pour communiquer, l’augmentation des nuisances sonores risque également à terme de perturber sa capacité à trouver de la nourriture, à éviter les prédateurs ou à rejoindre ses petits.
Dans le Grand Nord, le narval est encore chassé par les autochtones pour sa viande et sa peau qui s’insère traditionnellement dans l’alimentation des populations et des chiens de traîneau. Son ivoire, transformé en objets de décoration, représente également une importante source de revenus.
Au total, les populations de narval se seraient effondrées de près de 85% dans les eaux du Groenland, avec quelques centaines d’individus seulement recensés en 2019.
Considéré comme « Quasi menacé » par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, le narval ne bénéficie pour l’heure d’aucun projet de protection particulier. Si les Inuits commencent à être sensibilisés à la nécessité de d’adopter une gestion plus durable des stocks disponibles du mammifère marin, il sera indispensable à l’avenir de l’inclure dans les débats locaux et internationaux afin de lui permettre de remplir encore les missions écologiques qui sont les siennes au sein des environnements marins qui lui servent de lieux de vie.