Chaque année, avec le retour du printemps, la réserve naturelle des Sept-Îles dans les Côtes-d’Armor se couvre de plusieurs centaines de macareux moines. Aussi appelé « perroquet de mer », cet oiseau marin pélagique au bec orangé et à la silhouette ronde caractéristique regagne en effet la terre ferme durant la saison des amours, le temps de nicher dans les falaises et les pentes enherbées.
S’il vole très mal, il se révèle être un excellent nageur qui compte aujourd’hui parmi les espèces en danger critique d’extinction. En cause notamment, la pollution et la surpêche qui le prive d’une grande partie de ses sources de nourriture.
Présent en haute mer à travers le Pacifique et l’Atlantique nord, le macareux moine niche au Canada, près des Îles de la Madeleine et sur l’archipel de Mingan, ainsi qu’en Europe du nord. C’est en Islande que nous rencontrons les plus importantes colonies sur le vieux continent, mais l’espèce peut également être observée en Irlande, en Écosse, aux Shetland, en Scandinavie ainsi qu’en Bretagne pour la France.
Fragilisé par un taux de reproduction très faible, un poussin par couple et par an, le macareux moine s’est heurté à une chasse intensive durant le XXe siècle suivie d’une vaste série de marées noires qui ont entraîné le déclin dramatique de ses populations.
Tandis que d’autres menaces telles que la surpêche et la pollution lumineuse ont fait leur apparition, les recensements de l’espèce sur les côtes bretonnes sont passés de 7000 individus environ dans les années 1950 à 130 couples seulement en 2016. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) surveille désormais de près la période de nidification de l’oiseau marin.
Au début du XXe siècle, les Sept-Îles comptaient encore quelque 10 000 à 15 000 macareux moines répartis sur leur littoral rocheux. L’essor de la chasse et du braconnage pour la récolte des œufs ou pour le simple plaisir ont entraîné la disparition de nombreuses colonies au point de voir la création de la Ligue française pour la protection des oiseaux, en 1912.
La mobilisation des ornithologues a ainsi conduit à l’interdiction de la chasse au macareux moine, et à la reconnaissance des Sept-Îles comme Réserve naturelle pour la conservation de la nature. Les populations de l’espèce se sont depuis stabilisées mais d’autres menaces sont encore autant de freins à leur accroissement.
Les pénuries de nourriture liées à la surpêche ont elles aussi des effets dévastateurs sur les populations de macareux moines. Il y a quelques années, l’effondrement des stocks de hareng en Norvège a été suivi d’une vague de famine qui a emporté la quasi-totalité des oisillons. Dans certains cas, ce sont aussi les changements climatiques qui entraînent la fluctuation de la quantité des proies disponibles.
Au moment de prendre son envol, le poussin est attiré par les lumières toute proches au lieu de gagner la mer où il devra apprendre à se nourrir. C’est la raison pour laquelle le macareux moine ne survit aujourd’hui que sur des îles isolées, loin des populations humaines. Mais celles-ci se font rares.
D’un autre côté, en tant qu’oiseau marin, l’espèce est particulièrement vulnérable à la pollution de l’eau par les hydrocarbures. Si des réglementations récentes visent à les limiter, elles se produisent encore de manière occasionnelle.
Celle-ci a largement diminué depuis la fin de la pêche commerciale à la morue en 1992, mais sans avoir totalement disparu. Chaque année, les filets maillants destinés à diverses espèces de poissons continuent de faire de nombreuses victimes en piégeant les macareux moines.
Sur certaines îles, il faut aussi composer avec la présence de rats, introduits accidentellement par l’Homme et qui auront tendance à piller les nids.
Déjà protégé à l’échelle internationale dans les différentes réserves qu’il fréquente, le macareux moine devrait aussi à l’avenir bénéficier de mesures plus strictes encore, destinées à assurer sa survie. C’est en tout cas ce que demandent aujourd’hui bon nombre de chercheurs et d’ornithologues qui appellent notamment à la modification des calendriers de pêche et à l’utilisation d’autres filets, moins néfastes pour la biodiversité.
Des mesures qui devraient permettre aux générations futures de découvrir à leur tour cet oiseau extraordinaire, comme le font encore les milliers de curieux qui se pressent chaque année entre Terre-Neuve-et-Labrador pour observer l’étonnant spectacle de son ballet volant.