L’un est un continent à part entière au cœur de l’hémisphère Sud, recouvert à 98% d’une calotte glaciaire et où les températures peuvent régulièrement descendre sous les -55°C. L’autre abrite encore de nombreuses populations autochtones sur sa mer de glace entourée de terre, étendue au pôle Nord sur plus de 21 millions de km².
Près de 20 000 kilomètres séparent l’Antarctique de l’Arctique, mais le réchauffement climatique y soulève des inquiétudes tout à fait similaires. Si nous sommes au courant des menaces qui pèsent sur certaines espèces emblématiques telles que l’ours polaire par exemple, derrière ce sont des écosystèmes beaucoup plus vastes qui sont mis en danger.
Aux pôles de notre planète, la hausse des températures est deux fois plus importante que dans n’importe quelle autre région du monde, causant la fonte de la glace de mer ou banquise, formée à la surface de l’eau. Spécifiquement adaptées aux climats froids, la faune et la flore des régions polaires sont dès lors les premières victimes des bouleversements engendrés sur leur habitat.
On observe déjà d’importants changements dans les migrations de certaines espèces, et un déclin alarmant des populations de nombreuses autres.
Au total, notre Terre aurait perdu environ 28 milliards de tonnes de glace depuis 1994 et la banquise devrait passer sous les 520 000 km² d’ici à 2050, là où elle s’étendait encore sur 7,5 millions de km² dans les années 80. Des modifications qui impactent jusqu’au zooplancton et qui promettent de bouleverser à leur tour bon nombre de chaînes alimentaires.
Créature symbolique parmi toutes les espèces du Grand Nord, l’ours polaire est le plus grand mammifère terrestre au monde.
Sous sa fourrure blanche qui lui permet de se confondre avec son environnement, nous découvrons une peau étonnamment noire, indispensable pour absorber la chaleur du soleil. Les pattes sont légèrement palmées afin de ne pas s’enfoncer dans la neige, la tête est petite et le corps très allongé pour faciliter la natation.
En tant qu’animal semi-aquatique, l’ours polaire est en effet capable de parcourir de très longues distances en mer si la recherche de nourriture le lui impose.
La banquise, elle, lui est vitale car elle constitue à la fois son terrain de chasse, son lieu de repos et de reproduction. Posté au bord des trous de glace où les phoques remontent régulièrement pour respirer, il les saisit d’un coup de patte et emmagasine en se nourrissant la graisse essentielle à sa survie et à celle de ses petits.
Mais la banquise se réduit d’environ 13,4% chaque décennie, et avec elle le territoire de chasse du mammifère. Les périodes de jeûne sont de plus en plus longues, l’état de santé global de plus en plus fragile. Au rythme actuel des choses, l’ours polaire pourrait s’être totalement éteint à l’aube du 22ème siècle.
D’autant que la fonte des glaces n’est pas l’unique menace à peser sur le carnivore. De nombreuses populations locales dépendent encore de sa chasse pour survivre tandis que les polluants industriels accumulés dans les proies dont se nourrit l’ours polaire peuvent causer à terme diverses anomalies congénitales.
Leur population mondiale est aujourd’hui évaluée à moins de 30 000 individus, la plupart survivant en territoire canadien.
En savoir plus
Essentiel parmi les écosystèmes marins de l’Arctique, le morse se rencontre dans les eaux peu profondes du nord de l’Atlantique jusqu’au Pacifique nord et constitue l’unique représentant connu de son genre.
S’il partage quelques similitudes avec les phoques et les otaries dans sa manière de se déplacer sur la banquise ou de se propulser sous l’eau, le mammifère est également reconnaissable entre tous grâce à ses longues défenses en ivoire qui lui permettent de se hisser hors de l’eau et d’affronter ses rivaux. Les vibrisses plantées dans son museau qui lui donnent cette apparence moustachue si caractéristique sont quant à elles alimentées en sang et reliées à des muscles. Très sensibles, elles aident ainsi notre géant des mers à distinguer ses proies par le toucher là où sa vue se révèle très limitée.
L’ouïe et l’odorat restent en revanche parfaitement développés, essentiels pour la communication entre les individus et le repérage des prédateurs, bien que peu nombreux.
C’est aujourd’hui le réchauffement climatique qui représente la plus lourde menace pour le morse, en entraînant le recul de la banquise où l’animal se repose et en favorisant la diminution du nombre de ses proies, sous l’effet de la hausse de la température de l’eau. Traquée autrefois pour sa peau, sa graisse et même pour ses vibrisses ou ses intestins, l’espèce souffre toujours du braconnage pour l’alimentation et pour son ivoire.
La viande de morse couvre en effet la moitié des besoins en protéines des populations locales, aux côtés des viandes de phoques et des cétacés. Les individus encore vivants doivent désormais se contenter de portions de banquise réduites et morcelées.
En savoir plus
Légèrement plus petit que le renard roux, le renard polaire perd chaque année un peu de son territoire mais est encore observable à travers l’Arctique, au Groenland, au Canada et en Russie notamment. Son pelage, d’un blanc éclatant durant l’hiver, passe progressivement au gris-blanc puis au gris-brun avec le retour de l’été, cela afin de limiter la déperdition de chaleur et de le rendre moins visible de ses quelques prédateurs.
Chez le petit mammifère, tous les sens sont en éveil, de quoi en faire un excellent chasseur et lui permettre de se régaler des lemmings, des lièvres arctiques ou des oiseaux qui composent ses menus. Pour autant, afin d’être sûr de se régaler, le renard polaire se contente de temps à autre de suivre les ours polaires pour profiter des restes de leur repas.
Plutôt nocturne, l’animal se révèle aussi à l’aise dans l’eau et démontre de formidables capacités d’adaptation face au froid puisque sa fourrure lui permet de résister à des températures inférieures à – 50°C.
Mais l’air se réchauffe, favorisant l’apparition du renard roux dans l’habitat naturel du renard polaire, qui constitue désormais l’une de ses principales menaces. S’ajoutent aussi la disparition de ses proies principales sous l’effet du changement climatique et le braconnage pour sa fourrure. Fragilisé par plusieurs décennies de chasse intensive dans les pays nordiques notamment, le renard polaire ne compte plus que quelques centaines d’individus selon les régions.
L’animal pourrait avoir totalement disparu d’ici la fin du siècle.
En savoir plus
Le narval, ou licorne des mers, appartient à la grande famille des cétacés et doit son surnom à l’impressionnante corne torsadée perchée sur son nez. Plus qu’une corne d’ailleurs, il s’agit en réalité d’une incisive du maxillaire gauche qui peut atteindre dans certains cas les 3 mètres de long.
Considérée à l’origine comme une arme de défense ou un outil permettant à l’animal de se frayer un chemin à travers la glace, de récentes études semblent revenir sur ces premières suppositions. Cette dent monumentale est en réalité parcourue d’une infinité de terminaisons nerveuses qui renseignent notre cétacé sur les variations de température ou de pression dans les eaux.
De bleu gris à la naissance, le narval adulte deviendra noir avant de blanchir progressivement avec l’avancée en âge. Nous le rencontrons généralement à travers les régions arctiques, en groupes d’une vingtaine d’individus maximum, occupés à migrer au rythme des saisons pour suivre les bancs de poissons qui constituent leur alimentation.
Mais les bancs de poissons se font rare sous l’effet de la surpêche et du passage de plus en plus fréquent des bateaux. Les accidents et la pollution font peser des menaces sans précédent sur l’espèce tandis que le réchauffement des eaux modifie ses habitudes et celles de ses proies. Et paradoxalement, dans certaines régions du monde, les bouleversements climatiques entraînent une augmentation de la formation de glace, emprisonnant les narvals qui s’y seraient aventurés lors de leur migration hivernale.
S’ajoute aussi la chasse pour sa viande notamment par les peuples du Grand Nord. La population globale du cétacé, bien que mal connue, n’est plus estimée qu’à quelques dizaines de milliers d’individus.
En savoir plus
Endémique de l’Antarctique, le manchot empereur est le plus grand et le plus lourd de tous les manchots. Là, sur la banquise, la température peut atteindre les – 40°C et les vents glacés souffler à plus de 140 km/h.
Aucune autre espèce d’oiseau ne saurait survivre à des conditions aussi extrêmes mais le manchot empereur se distingue par certaines caractéristiques uniques. Une capacité à mettre en veille certaines fonctions essentielles notamment, mais aussi un plumage dense, le plus dense du règne animal, complété d’une couche duveteuse entre la peau et les plumes, puis d’une couche de graisse sous-cutanée.
Parfaitement à l’aise sous l’eau où il plonge quotidiennement pour pêcher sa nourriture, nous le retrouvons aussi sur la banquise de sa démarche empotée et mal assurée. Chaque année, il se rassemble ainsi en colonies et entreprend un long et périlleux voyage pour se reproduire et s’occuper de sa progéniture. Les femelles y pondront un œuf unique avant de s’élancer dans les eaux à la recherche de krill et de petits poissons, laissant aux mâles le soin de s’occuper du nouveau-né.
C’est sur la banquise que le manchot empereur élève ses petits, et sa disparition remet d’ores et déjà en question sa survie sur le long terme. Si la planète est amenée à se réchauffer encore davantage dans les années à venir, les projections scientifiques évoquent déjà la possibilité de voir s’éteindre 80% des colonies d’ici à 2100.
Habitué aux toundras à la végétation éparse dans laquelle il peut établir son nid, le harfang des neiges est l’un des plus imposants strigidés (famille des chouettes et des hiboux) d’Amérique du Nord. Ses larges ailes d’une envergure d’environ 1,5 mètres et les disques de plumes situés autour de ses yeux, capables de réfléchir les ondes sonores vers ses oreilles, en font un chasseur redoutable.
Nous l’observons régulièrement, perché sur un monticule de terre ou sur un ballot de foin à la recherche d’une nouvelle proie. Au menu, des lièvres arctiques, de petites souris mais principalement des lemmings, ces petits rongeurs qui parcourent les zones arborées du Nord Canadien et qui font le régal d’une large variété de carnivores.
À la différence de la plupart des chouettes et des hiboux, majoritairement nocturnes, le harfang des neiges chasse en plein jour, y compris de temps à autre à l’aube et au crépuscule. Il faut dire que dans le cercle arctique, le soleil ne se couche pas durant les mois d’été. L’oiseau, moins bien camouflé du fait du reverdissement de la toundra, se met alors en quête d’un amas de glace ou de neige sur lequel s’établir.
Sa population, estimée à environ 200 000 individus, est largement sur le déclin. On note notamment le réchauffement climatique et ses conséquences catastrophiques sur le lemming, qui constitue la principale source de nourriture du harfang des neiges. S’il n’a que peu de prédateurs naturels, l’animal doit aussi partager son territoire avec les communautés humaines qui, après l’avoir mis en danger autrefois par une chasse intensive, l’exposent désormais aux collisions en vol avec les automobiles, les clôtures et les lignes électriques.
En savoir plus