Le désert : un écosystème moins pauvre qu’il n’y paraît

Hostile, absolument sec, exposé à des vents violents, le désert n’en reste pas moins la représentation par excellence de la résilience de la vie face à des conditions extrêmes. Le réchauffement climatique a d’ailleurs accentué le phénomène. Et à chaque fois, la faune et la flore de ces milieux désertiques a démontré une exceptionnelle capacité d’adaptation. Le seul terme « désert » englobe en réalité une multitude de milieux différents, chacun avec son fonctionnement, ses espèces animales et végétales, et son incroyable potentiel qui pourrait profiter à toute la planète. 

Déserts froids et déserts chauds

De manière générale, le désert nous renvoie systématiquement l’image d’une étendue brûlante, exposée en permanence à un soleil de plomb et recouverte d’épaisses couches de sable à travers laquelle la végétation a toutes les difficultés du monde à se frayer un chemin. Image un peu réductrice pourtant.

En réalité, il existe de nombreuses sortes de déserts différents. Certains sont chauds, d’autres sont glacés, d’autres sont même tempérés et connaissent une alternance régulière des saisons. Le point commun principal entre tous ces milieux reste la faiblesse des précipitations. Généralement privé d’eau, le désert n’offre que des conditions de vie difficiles à ses populations.

La plupart du temps, on répartira les déserts du monde en plusieurs grandes catégories. 

  • Les déserts tropicaux et subtropicaux, où l’hiver est inexistant. C’est ici que l’on retrouve notamment le Sahara, plus grand désert de la planète, traversé uniquement par le Nil à l’est. En journée, les températures y grimpent parfois jusqu’à 60 degrés tandis que les nuits d’hiver connaissent bien souvent des températures négatives de l’ordre de – 10 degrés.  Les déserts tropicaux se caractérisent par une extrême sécheresse et une évaporation rapide de la moindre source d’eau.
  •  Les déserts tempérés, protégés à l’abri d’une barrière montagneuse qui empêche le passage des dépressions venues de l’océan. Les caractéristiques globales restent très similaires à celles des déserts tropicaux. C’est notamment ici que l’on retrouve le désert des Mojaves, au sud des États-Unis.
  • Les déserts continentaux, comme le désert de Gobi en Asie centrale, où les amplitudes thermiques annuelles sont les plus importantes au monde. Les étés y sont longs et brûlants, les hivers glacials malgré ici encore la présence d’une barrière montagneuse freinant les dépressions issues des écosystèmes marins. Cela n’empêche pas certaines tempêtes de sable ou de blizzard de s’abattre sur les déserts continentaux durant le printemps ou au début de l’été. 
  • Les déserts polaires froids, situés aux pôles de notre planète (arctique et antarctique). L’air glacial très sec et la présence permanente d’une épaisse couche de glace empêche le développement de la végétation. Moins désertique mais elle aussi très hostile, la toundra répartie principalement entre la Russie, le Canada, l’Alaska et la Scandinavie, fait elle aussi partie des déserts semi-arides froids avec son sol souvent gelé en permanence.

Caractéristiques et formation du désert

De manière générale, les écosystèmes désertiques se caractérisent par

  • La rareté de leurs précipitations. De nombreuses années peuvent s’écouler sans la moindre goutte de pluie.
  • Les rosées matinales, qui constituent bien souvent l’unique ressource en eau de surface pour la biodiversité.
  • Leur forte évaporation.
  • La régularité des vents, souvent violents.
  • La pauvreté de leur sol.
  • La faible densité de leur faune et de leur flore. Les rares plantes y sont la plupart du temps grasses ou succulentes, tandis que les animaux sont dominés par une petite faune constituée d’insectes, de reptiles, de rongeurs et de quelques oiseaux nocturnes.

Mais le désert est encore mal compris. On parle souvent de « zone désertique » en dessous de 5 habitants/km², autrement dit même la France comprend des déserts selon cette interprétation du terme. Il existe aussi des déserts océaniques, bien plus vastes d’ailleurs que les déserts terrestres. Répartis majoritairement dans les régions subtropicales de l’océan Pacifique et Atlantique ou dans certaines zones de l’océan Indien, on constate que leur surface a augmenté d’environ 15 % (soit 66,6 million de km²) en un siècle seulement, directement lié à l’effet du réchauffement climatique.

Sur la terre ferme, les déserts ne sont pas uniformément répartis. Les zones arides et semi-arides s’étendent sur environ un tiers de la surface de la planète, la plus large partie se trouvant en Afrique où les déserts couvrent près d’un tiers du continent. Vient ensuite l’Australie avec 18% de milieux désertiques, puis l’Asie et ses 14%, et l’Amérique qui ne compte que 8% de milieux désertiques sur l’ensemble de son continent. 

S’ajoutent à cela les zones hyper-arides, qualifiées de « désert absolu », concentrées ici aussi en Afrique mais pratiquement inexistantes en Europe et en Australie.

Les déserts chauds, qui restent les plus connus, se retrouvent principalement au niveau des zones tropicales du globe. Une répartition étonnante peut-être lorsque l’on sait que l’équateur représente pourtant la zone la plus ensoleillée de la planète. Mais la formation des déserts dépend en grande partie des courants atmosphériques et il se trouve que l’air chaud issu de l’équateur entreprend ensuite un long voyage en direction des tropiques.

Quant à l’action de l’homme, elle n’est pas à négliger. La surface du désert du Sahara aurait augmenté de 10 % en moins d’un siècle, notamment du fait de la hausse des températures globales liée à nos activités.

Dans les déserts chauds, les importantes variations de température mettent à mal les roches qui finissent par éclater en petits cailloux et en fines particules. Poussés par les vents forts, les grains de sable et de poussière finissent par s’accumuler dans les zones où la force du vent est plus négligeable. C’est ainsi que se forment les dunes, et leur pente douce constitue d’ailleurs un excellent indicateur du sens des vents dominants.

Qu’il s’agisse d’un désert de sable ou d’une vaste plaine caillouteuse, le vent en balayant la surface du sol en permanence participe ainsi à modeler les paysages.

Mais les déserts n’ont pas toujours été des déserts. Il y a environ 15000 ans, des lacs, des étangs, et une épaisse végétation recouvraient les larges étendues du Sahara. Éléphants, hippopotames, crocodiles et de nombreuses populations humaines y avaient alors élu domicile, comme l’indiquent de nombreuses peintures rupestres.

Si le processus de désertification qui a suivi cette période verdoyante est plutôt mal connu, on sait que celui-ci s’est étalé sur plusieurs milliers d’années et que l’axe de rotation changeant de la Terre y a joué un rôle à sa façon.

Ressources d’aujourd’hui et de demain

Très prisé aujourd’hui pour ses atouts touristiques qui ont malheureusement trop souvent tendance à lui nuire, le désert est un écosystème d’une importance capitale pour la planète. Des formidables capacités d’adaptation de sa flore, nous avons encore tout à apprendre et là résident peut-être de nombreuses réponses aux questions de nourriture et de soins des populations qui se poseront demain.

Des questions de production énergétique également, face auxquelles les déserts de notre planète démontrent déjà un énorme potentiel. Ensoleillement maximal, vent constant, les milieux désertiques présentent des avantages non négligeables pour une production d’énergie douce et renouvelable, d’autant que de nombreux déserts sont situés non loin des côtes et permettraient une utilisation combinée de l’eau de mer afin de produire de l’hydrogène par hydrolyse.

À l’heure actuelle, certains déserts chauds sont exploités pour le gaz, les minerais, et le pétrole présents dans leur sous-sol. Au cœur du Sahara, tout près de la frontière libyenne, les gisements d’Edjelé, de Tiguentourine et de Zarzaïtine offrent par exemple des réserves de pétrole avoisinant les 60 million de tonnes. 

Dans d’autres régions arides ou semi-arides, ce sont les nappes phréatiques que l’on pompe et que l’on draine afin de créer des oasis artificielles où l’agriculture pourra se développer.

La recherche perpétuelle de l’eau

Derrière son apparente hostilité, le désert est en réalité bien loin d’être dénué de vie. 

La densité de la végétation variera en fonction de la quantité d’eau disponible, du type de sol et de la force du vent, les déserts absolus étant les seuls à n’accueillir pratiquement pas de vie. Ailleurs en revanche, on trouvera de la végétation jusqu’au sommet des dunes des déserts les plus chauds.

Une végétation particulière bien sûr, dont la formation a pour but de limiter au maximum la perte d’eau et d’en capter la moindre goutte disponible. Tandis que dans les forêts tropicales, où la course pour la lumière est rude, les plantes les plus petites se sont dotées de feuilles larges pour absorber le moindre rayon du soleil, la flore du désert a au contraire misé sur des feuilles minuscules justement pour capter le moins de rayons possible. Certaines plantes d’ailleurs, telles que les cactus, en sont totalement dépourvues.

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Leur épiderme plus épais que la normale et la diminution du nombre de pores sur leur surface sont autant de moyens de réduire l’évaporation. À la manière des chameaux, les cactus ont la capacité d’emmagasiner de grandes quantités d’eau dans leurs tissus, qu’ils redistribueront progressivement afin de traverser les épisodes de sécheresse intense. Quand aux épines, elles constituent à la fois une protection contre les herbivores, mais aussi une manière d’absorber un peu de rosée matinale et de protéger l’épiderme contre la chaleur brûlante du soleil ou le froid d’altitude.

Aux nombreuses variétés de cactus s’ajoutent également bon nombre de plantes grasses ou succulentes telles que les dasylirions et les yuccas, également dotés de tiges plus épaisses pour faciliter le stockage de l’eau. 

C’est également ici que nous retrouvons l’agave et ses 200 espèces différentes, dont certaines sont  intégrées depuis la nuit des temps à la préparation de breuvages tels que la traditionnelle tequila mexicaine. Les agaves présentent la particularité d’être monocarpiques, c’est-à-dire qu’elles ne connaissent qu’une seule floraison avant de mourir. La pollinisation s’effectue quant à elle par les chauves-souris mais aussi quelquefois par des insectes ou des oiseaux.

La quête continuelle de l’eau touche également les animaux du désert qui ont aussi dû développer des mécanismes étonnants afin d’assurer leur survie. La plupart ont adopté une pigmentation claire afin de mieux réfléchir les rayons du soleil, d’autres ont pris l’habitude de sombrer dans une certaine léthargie durant les sécheresses les plus extrêmes.

D’autres encore tels que les gangas ou les oryx algazelles qui n’existent plus à l’état sauvage, semblent être capables de réguler leur température corporelle afin de maîtriser leur transpiration, tandis que le chameau emmagasine dans ses bosses l’eau et les graisses qui lui permettront de résister à une importante déshydratation.

Relativement calme durant la journée, c’est surtout la nuit que la vie s’active dans le désert. Bon nombre d’animaux, oiseaux, rongeurs, antilopes ou grands prédateurs comme la panthère et le guépard sont des chasseurs nocturnes que l’on retrouve nichés dans leur grotte et leur terrier tout au long du jour.

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La plupart d’entre eux sont également des espèces nomades qui parcourent les régions désertiques en quête de conditions de vie toujours meilleures, comme c’est le cas de l’autruche, de l’émeu, du lièvre et de la gazelle.

La survenue irrégulière des pluies donne également toujours lieu à une certaine forme d’effervescence. La croissance de la végétation est alors stimulée et de nombreuses espèces  devenues rapidement matures en profitent pour se reproduire ou pour mettre bas.

Vie et richesses du plus grand désert du monde

Étendu sur environ 9 million de km², le désert du Sahara couvre pas moins de 10 états différents à travers l’Afrique. En dépit des idées reçues, ce ne sont pas les dunes de sable qui y dominent bien au contraire. Les ergs, ou étendues sableuses, ne couvrent en réalité que 20 % de sa superficie totale. Ce sont les plaines rocailleuses, ou regs, que l’on rencontre le plus  fréquemment.

Là, sous l’effet de la large amplitude des températures, le sol se fissure et est parsemé d’une innombrables quantité de cailloux à bords tranchants.

Fait étonnant, on trouve même de la neige au Sahara puisque certains de ses sommets, du côté du sud de l’Algérie notamment, dépassent les 3000 mètres et sont enneigés en permanence malgré les faibles précipitations. Sous ses dunes d’environ 100 mètres de haut en revanche, la portion du désert proche de la frontière libyenne est la plus aride de toutes et connaît la biodiversité la plus faible.

Rien à voir avec l’est du Sahara, bordé par la vallée du Nil et la région montagneuse de Nubie où les terres bien irriguées ont permis depuis des siècles l’installation de larges cultures.

Malgré tout, même les régions des grandes dunes et des plaines brûlées disparaissent parfois sous un couvert végétal aux capacités de résistance extraordinaires. Privée de la majeure partie de la ressource en eau et contrainte de lutter contre un soleil de plomb, la coloquinte, cousine de nos courges, trouve la force de mener à son terme le développement de ses fruits amers, dans l’odeur douce et légère du réséda arabica avoisinant.

Ailleurs, dans les vallées les plus ombragées, nous croisons le mimosa, le figuier, le thuya articulata.

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Juste assez pour rencontrer également des fennecs, des gerboises, des rats de différentes espèces tandis que les antilopes oryx et les gazelles paissent paisiblement non loin de là, dans les steppes herbeuses. Leur nourriture composée majoritairement des feuilles gorgées de suc de certains arbrisseaux, suffit à leur apporter nutriments essentiels et eau.

Sous les sabots des chèvres, des brebis et des dromadaires aujourd’hui encore très prisés par les nomades, pullule une quantité considérable de reptiles en tout genre parfois extrêmement dangereux. Vipère, python, gecko mais aussi scorpion et mygale qui ont élu pour la plupart domicile au cœur des oasis.

Une oasis dans le désert

Des oasis créées généralement par la réapparition en surface d’une nappe d’eau souterraine pouvant alors être exploitée par l’homme. L’eau y est en effet la composante essentielle, mais ce sont bel et bien les activités humaines qui ont depuis toujours modelé le visage des oasis. 

Certaines sont plus ou moins pourvues en eau, d’autres n’ont pas encore été créées alors que toutes les ressources sont réunies pour les voir apparaître comme c’est le cas dans certaines régions du Moyen-Orient, d’Asie ou d’Afrique.

Souvent regroupées en archipel, les oasis offrent le spectacle d’un assemblage organisé de jardins, de champs cultivés et de vergers. Le palmier-dattier y constitue l’arbre par excellence, mais les oasis des milieux désertiques donnent aussi naissance à de nombreuses autres espèces telles que l’amandier, l’abricotier, la vigne, l’orge, le millet, le maïs, le piment, la pastèque et bien d’autres encore. 

Là, la biodiversité est d’autant plus riche que l’eau et la végétation sont accessibles en quantité suffisante, et que de vraies relations symbiotiques se mettent en place entre les êtres vivants. La faune par exemple, très friande de nombreuses espèces végétales, offre en retour le fumier qui servira aux futures cultures. Bon nombre de plantes quant à elles seront utilisées dans les secteurs alimentaire, aromatique et médicinal.

L’inquiétant phénomène de désertification

Tandis que d’autres écosystèmes tels que la banquise ou la forêt reculent, le désert progresse année après année, kilomètre par kilomètre. Sous le coup du réchauffement climatique, de l’urbanisation, de la déforestation, de la mise en place constante de nouvelles cultures, les zones frappées de sécheresse sont de plus en plus nombreuses.

Il faut dire que l’accroissement de la population et l’explosion ces dernières années de la consommation de produits d’origine animale ont naturellement conduit à une exploitation toujours plus importante des ressources de notre planète  Une exploitation que l’on observe même dans les régions les plus arides de notre Terre, où l’utilisation de pesticides met d’ores et déjà en péril la bonne santé des zones cultivées. En quelques décennies, ce sont près de 12000 km² de sols arides qui ont été rendus improductifs sous l’effet d’une agriculture inadaptée. 

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Quant à la surexploitation des ressources (herbes, bois mort, ligneux vivants, gibier), difficile pour la nature de tenir le rythme dans un milieu où le développement de la vie est aussi lent. Face à la dégradation de leur habitat par salinisation ou via l’exploitation des minerais et des nappes phréatiques, la chèvre himalayenne, les moutons de barbarie, la tortue mauresque, le chat à pieds noirs, le chameau de bactriane ne cessent de régresser, menacés également selon les espèces par le braconnage qui ne faiblit pas. 

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C’est le cas notamment du cheval de Przewalski, traqué pour sa viande en Ukraine autour de la région de Tchernobyl, et de l’addax, menacé d’extinction imminente par les installations pétrolières couplées à la pratique du braconnage dans les dernières zones où l’espèce a trouvé refuge. Des menaces qui pèsent aussi sur la tortue sillonnée et sur le rhinocéros noir, plus rapide de tous les rhinocéros de la planète avec ses 50 km/h, dont il ne reste aujourd’hui en Afrique que quelques milliers d’individus à l’état sauvage. 

Les guépards et les léopards quant à eux n’occupent aujourd’hui plus que 3 et 10 % respectivement de leur territoire d’origine au cœur du Sahara. Le risque de disparition totale est plus que jamais d’actualité.

Loin de ne toucher que les grands déserts, la désertification s’étend également en Europe où elle touche environ 8 % du territoire. La surexploitation et la pollution croissante des sols altère leur capacité à supporter des cultures, en provoquant notamment l’effondrement de la biodiversité souterraine. On estime aujourd’hui que les trois quarts de la planète seraient dégradés, un pourcentage qui pourrait grimper jusqu’à 90% d’ici à 2050, notamment en Afrique et en Asie. 

Et ce n’est certainement pas la progression du réchauffement climatique qui pourra inverser la tendance.

S’ajoutent à cela également d’autres menaces telles que le tourisme, catastrophique pour de nombreuses espèces, ou l’utilisation des déserts comme terrain d’entraînement militaire et lieu d’implantation de prisons. De manière générale, on remarque de la part de l’homme une vraie négligence à l’égard des déserts, là où d’autres milieux naturels font depuis longtemps l’objet de programmes de protection spécifiques. 

Un désert de la taille du Sahara exploité correctement pourrait pourtant répondre aux besoins d’électricité de toute notre planète, et abrite de nombreuses variétés de plantes encore méconnues, aux bienfaits peut-être extraordinaires.

Le ralentissement du phénomène de désertification, indispensable pour freiner la sécurité alimentaire galopante à travers l’Afrique notamment, et la reconnaissance des ressources enfouies dans les déserts du monde devra impérativement s’intégrer aux grands projets écologiques de demain.