La Terre abrite une infinité d'écosystèmes. Le terme, proposé en 1935 par le zoologiste Arthur George Tansley, désigne un ensemble dynamique où des organismes vivants interagissent entre eux et avec leur milieu.
Plus concrètement, un écosystème se compose essentiellement de deux éléments. Un environnement, avec ses caractéristiques physiques telles que l’eau, le climat, la lumière, la matière organique : c’est le biotope. Et d’autre part la biocénose, qui englobe les êtres vivants spécifiques à ce milieu comme les plantes, les animaux et les micro-organismes.
Certains écosystèmes sont gigantesques comme les océans ou la forêt amazonienne, mais une simple flaque d'eau renferme elle aussi un véritable petit monde. Les écosystèmes se caractérisent par l'intéraction entre une flore et une faune spécifiques.
Dans l’océan par exemple, les grands prédateurs chassent les phoques qui eux consomment des harengs qui se nourrissent du zooplancton indispensable à la bonne oxygénation des eaux. L’équilibre de cette biodiversité est donc délicat, et repose principalement sur une composante essentielle : la chaîne alimentaire.
Sur Terre, aucune frontière physique ne délimite un écosystème d’un autre. C’est la raison pour laquelle ils sont si nombreux, et si variables. S’ils sont tous connectés à l’échelle mondiale, chacun se distingue en revanche par son extraordinaire richesse et son incroyable diversité.
Du plus sec au plus humide, du plus dense au plus désertique, quels sont ces écosystèmes qui se côtoient sur la planète ?
Une végétation dense, une biodiversité florissante, des paysages sereins, la forêt est l’un des milieux naturels les plus appréciés par l’Homme. Recouvrant plus de 30% de la surface terrestre, une importante partie de la biodiversité a trouvé refuge à l’ombre de ses arbres qui constituent de véritables poumons pour la Terre.
Ici, tout est bouillonnant de vie, de la plus haute cime des arbres aux couches inférieures du sol. La forêt est un écosystème complexe où se mêlent une multitude d’espèces animales, végétales, fongiques ou micro-bactériennes, liées les unes aux autres. Pour nous, elle constitue aussi un lieu de vie et une réserve considérable de matières premières.
Mais toutes les forêts ne sont pas identiques. La forêt boréale par exemple, caractérisée par un climat plutôt froid et la présence de conifères, recouvre près du tiers de toutes les forêts du monde et rassemble à elle seule plus de 20 000 espèces animales et végétales.
L'écosystème de la forêtLa jungle est une forme de forêt dense et humide longeant généralement l’Équateur et qui a conservé son aspect primitif.
À l’ombre de la canopée, composée d’arbres géants dont certains atteignent les 35 mètres de haut, c’est toute une foule riche d’espèces animales et végétales qui s’est développée. Des formes de vie exotiques telles que les félins et les primates mais aussi des animaux qui semblent rivaliser des couleurs à l’image des grenouilles et des oiseaux.
Le climat, très humide, a également attiré bon nombre d’insectes et a permis le développement d’une végétation luxuriante, la plus vaste et la plus diversifiée au monde. Des espèces dont la plupart nous sont encore inconnues et qui restent essentielles à la plupart de nos médicaments modernes.
Ce sont pourtant ces mêmes plantes qui sont aujourd’hui mises en péril par les incendies, l’agriculture et la déforestation.
L'écosystème de la jungleEssentielle au fonctionnement des écosystèmes, l’eau douce se renouvelle en permanence par le cycle de l’eau et accueille une biodiversité variée. Même les eaux souterraines, où les conditions ne semblent pas favorables à la vie, abritent plusieurs centaines d’espèces de poissons, de crustacés et de micro-organismes.
En surface, dans les cours d’eau, les lacs ou les rivières, la faune et la flore est d’autant plus riche avec une large variété de végétation aquatique à l’image des algues, des nénuphars ou de l’iris jaune.
Quant aux espèces animales, ce sont en tout 6 % de toutes les espèces connues qui y ont trouvé refuge, alors même que l’eau douce ne représente que 0,01 % de l’eau mondiale. Certains poissons d’eau douce comme le saumon ou l’anguille sont d’ailleurs de grands voyageurs et entreprennent durant leur vie des périples s’étalant sur plusieurs années pour relier les rivières à la mer.
L'écosystème de l'eau douceC’est au fond des eaux qu’est apparue la vie il y a plusieurs milliards d’années, et les mers et les océans constituent aujourd’hui encore la plus vaste réserve de biodiversité de la planète.
Aussi essentiels à la biosphère que les écosystèmes terrestres, ils produisent au quotidien une formidable quantité de matière organique. Puisque leur taille et leur position varient autour du globe, il existe en réalité une multitude d’écosystèmes au sein desquels les êtres vivants, la température ou la salinité de l’eau sont tout à fait différents.
D’un littoral avec sa faune d’oiseaux de mer et de crustacés, il est possible d’arriver aux mers tropicales avec leurs extraordinaires récifs coralliens où se nichent plus de 25 % des espèces animales et végétales marines. Indispensables à notre alimentation, les mers et les océans ont aussi un rôle fondamental à jouer dans la régulation du climat.
L'écosystème de la mer et l'océanÀ 200 mètres sous la surface, les rayons du soleil ne percent plus, l’obscurité est pratiquement totale et la photosynthèse, à la base de la chaîne alimentaire, ne peut plus s’effectuer. Et pourtant, 4000 mètres plus bas dans les plaines abyssales, la vie est foisonnante, parfois même autant que dans la forêt tropicale.
Certaines espèces ici dépendent des restes d’animaux vivants plus haut sous la surface, mais la plupart ont développé leurs propres mécanismes de survie. La biodiversité se raréfie encore en descendant plus bas dans les fosses océaniques mais elle est toujours présente, fascinante, et très largement méconnue.
Face à la pression extrême et à la rareté de la nourriture, la faune a encore fait preuve d’une incroyable résilience en se dotant d’une enveloppe physique transparente ou d’organes lumineux à l’image du syphonophore qui peut mesurer jusqu’à 100 mètres de long.
L'écosystème des abyssesMarais, salines, estuaires, lagunes, les zones humides ont souvent été considérées comme insalubres ce qui leur a valu d’être largement asséchées par l’Homme dans le cadre de l’agriculture.
On sait aujourd’hui qu’elles sont les milieux les plus productifs de la planète grâce à une faune et une flore sauvages d’une incroyable diversité. Pour bon nombre d’espèces animales, le marais constitue en effet l’une des principales réserves alimentaires et un lieu de reproduction privilégié. Sur les littorals, les vasières formées à partir de boue, de vase et de sédiments charriés par les marées accueillent une foule impressionnante de plantes aquatiques, d’oiseaux et d’invertébrés marins.
Dans les zones plus tropicales, ces mêmes vasières ont permis le développement d’une végétation extrêmement dense, capable de s’adapter aux sols humides et instables. C’est la mangrove, où se pressent en nombre crabes, mollusques, poissons, reptiles, oiseaux, et même tigres du Bengale.
L'écosystème des zones humidesLes régions polaires balayées par les vents comptent parmi les milieux les plus inhospitaliers de notre planète. Les températures y dégringolent parfois jusqu’à -89°C et les eaux gelées sont en partie recouvertes d’une épaisse couche de glace.
Indispensable au refroidissement de la Terre, la banquise a donné naissance à un écosystème délicat d’une étonnante complexité. Ici, la lumière qui filtre à travers la glace permet la présence de zooplancton dont se nourrissent certains poissons très appréciés des phoques qui sont eux mêmes la proie des ours polaires.
La banquise est l’habitat essentiel de toutes les formes de vie polaire y compris les populations autochtones qui en dépendent fondamentalement pour vivre, chasser et se développer. La végétation n’y est que peu présente mais la présence de krill en grande quantité dans les eaux permet chaque année le regroupement de colonies de manchots composées de plusieurs milliers d’individus.
L'écosystème de la banquiseDifficile de définir précisément l’écosystème montagnard tant il regorge de milieux différents.
Les montagnes recouvrent 24 % de la surface du globe et sont d’une importance capitale. Tour à tour, les prairies cèdent la place aux forêts, aux lacs, aux formations rocheuses et puis plus haut parfois, aux neiges éternelles. Conséquence, la biodiversité est ici d’une richesse absolue.
Les écosystèmes de montagne abritent 25 % de toute la faune connue, parmi laquelle de nombreuses espèces protégées comme l’aigle royal, le chamois, l’ours ou la marmotte. La nature y est particulièrement sensible aux variations du climat ce qui ne nous empêche pas de croiser successivement mousses, arbres, arbustes et plantes à fleurs dotées de formidables capacités d’adaptation.
Au-delà de son attrait esthétique et touristique, la montagne est aussi essentielle au cycle de l’eau en agissant comme un barrage ou un réservoir d’eau selon le rythme des saisons.
L'écosystème de la montagneOn ne s'en rend pas forcément compte, mais des millions d’êtres vivants composent la biodiversité tellurique, ou souterraine. Certains sont visibles à l’oeil nu comme les vers de terre, d’autres comme les acariens se distinguent à la loupe. D’autres encore nécessitent l’utilisation d’un microscope. Ce sont les bactéries ou les champignons, et tous ont un rôle fondamental à jouer.
Les organismes vivants en se déplaçant participent à renouveler la structure des sols. La terre est ainsi mieux aérée, mieux drainée, et la végétation ou les cultures peuvent s’y développer dans les meilleures conditions. Certains micro-organismes sont même capables de combattre les parasites et de purifier les eaux et les sols contaminés.
Quant aux restes de végétaux et d’animaux, rien ne se perd, tout est consommé et décomposé puis rendu à la nature sous forme de nutriments pour les plantes. Un écosystème encore souvent ignoré mais indispensable à la vie sur Terre.
L'écosystème du solReconnaissable à sa nature sauvage et à ses prairies entrecoupées de touffes d’herbes et d’arbustes, la savane abrite une biodiversité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.
La diversité des mammifères y est la plus impressionnante au monde, d’autant que le climat, plutôt rude, alterne entre hivers humides et étés très secs.
Les plantes quant à elles se sont adaptées de façon unique à un environnement inhospitalier. Les racines plongent profondément dans les zones les plus humides du sol, le baobab stocke l’eau durant des mois dans son écorce, et l’acacia s’est doté d’épines pour décourager les herbivores. Mieux encore, l’arbre offre abri et nourriture à différentes espèces de fourmis qui en échange des services rendus, défendent férocement leur refuge végétal contre les agresseurs.
Carnivores, herbivores, producteurs, charognards et décomposeurs y forment plus que jamais un réseau alimentaire complexe dont l’équilibre dépend du travail de chacun.
L'écosystème de la savaneTempératures extrêmes, fort taux d’ensoleillement, faible présence d’eau et pourtant, le désert n’est pas aussi inhabité qu’il n’y paraît. Les conditions y sont hostiles à la vie, mais la faune et la flore de cet écosystème ont su faire preuve d’une ingéniosité renversante pour survivre en milieu aride.
La bosse du chameau lui permet ainsi de faire des réserves, certains oiseaux sont capables d’une incroyable régulation de leur température corporelle tandis que les lézards peuvent survivre à la pénurie alimentaire par de longs engourdissements dans le sol. Quant à la végétation, elle est réduite à son maximum mais le figuier, l’acacia, le mimosa, ou les cactus ont su se développer jusqu’au creux des dunes du Sahara.
Et lorsque un point d’eau fait miraculeusement son apparition, plantes, arbustes, animaux et micro-organismes s’y développent en nombre, tous liés par un même comportement inné : la bonne gestion d’une ressource naturelle indispensable.
L'écosystème du désertPour saisir l’importance des écosystèmes, il est essentiel de comprendre que chaque organisme vivant occupe une place bien définie sur notre planète.
Il y a tout d’abord les producteurs, que sont les bactéries et les plantes. Celles-ci serviront d’une part de nourriture à d’autres espèces, mais utiliseront aussi divers éléments minéraux combinés à l’énergie du soleil pour fabriquer la matière organique nécessaire à la bonne santé des sols. C’est le principe de la photosynthèse.
Viennent ensuite les consommateurs carnivores ou herbivores qui se nourriront soit des producteurs primaires, soit d’autres animaux.
Et puis les décomposeurs enfin, champignons, bactéries ou invertébrés, capables de produire des éléments minéraux à partir des végétaux morts et des cadavres d’animaux. Des éléments minéraux dans lesquels puiseront les producteurs primaires, et le cycle recommence ainsi éternellement.
Cet ensemble forme ce que l’on appelle : la chaine alimentaire. Celle-ci a évolué durant des millions d’années, suivants les paramètres proposés par les différents milieux, pour obtenir un équilibre très sensible entre les occupants.
Sommaire
Les écosystèmes sont donc des milieux en perpétuel mouvement, où la matière et l’énergie du soleil circulent à l’infini.
Aucune vie possible sans cette énergie, et c’est la raison pour laquelle le monde végétal est en compétition permanente pour la lumière. Dans les forêts denses ou dans les jungles, il est souvent difficile de l’imaginer mais en réalité, les plantes se livrent une lutte sans merci pour l’énergie solaire qui leur permettra de devenir plus grandes et plus robustes. La plupart ont développé des stratégies étonnantes pour capter un maximum de lumière en élargissant leurs feuilles ou en grimpant le long du tronc des arbres pour gagner en hauteur. Les espèces plus faibles, privées de la grande majorité de la ressource lumineuse, ne connaîtront qu’une croissance très lente en attendant la disparition des plus grands arbres qui leur offrira une nouvelle chance.
Mais la chaleur du soleil est distribuée de manière inégale à travers le globe, et c’est aussi pourquoi les températures varient considérablement d’un écosystème à l’autre. Il y a les déserts très chauds et très secs par exemple, où les êtres vivants ont appris à économiser l’eau au maximum, et puis il y a les forêts boréales avec leur climat très froid et humide où a trouvé refuge une incroyable diversité d’espèces dans les masses épaisses de conifères. Quant aux abysses, les rayons du soleil ne percent jamais et la pression y est colossale mais l’on constate que la vie a aussi réussi à s’y développer en ayant recours à de formidables mécanismes de survie.
Quoi qu’il en soit, chaque écosystème reste en constante évolution de par l’action des organismes qui y vivent. Les animaux travaillent la terre, les plantes maintiennent une température stable, les être vivants apparaissent et disparaissent. Les arbres grossissent en vieillissant et vont réclamer davantage d’eau et de lumière ce qui va fondamentalement modifier les conditions de vie au sein des forêts. Une forêt jeune de 20 ans n’abritera ainsi pas les mêmes êtres vivants qu’une forêt de 200 ans.
Certaines espèces sont capables de s’adapter aux changements en permanence, tandis que d’autres sont beaucoup moins résilientes. Le goéland par exemple est habitué aux écosystèmes côtiers mais peut tout à fait se nourrir dans nos villes tandis que la chouette tachetée ne peut survivre ailleurs que dans les forêts multicentenaires.
Les relations entre les différents organismes sont fondées pour la plupart sur le modèle prédateur-proie mais pas seulement. On constate aussi de nombreuses relations de coopération entre les espèces. Dans les océans, les poissons-clowns trouvent refuge au cœur des anémones et leur fournissent en échange de la nourriture et une protection face à certains petits prédateurs.
Dans un écosystème, les êtres vivants sont dépendants les uns des autres et ont appris à travailler en symbiose pour leur propre survie. L’étroite collaboration entre les plantes et certains champignons en est l’un des meilleurs exemples. Les plantes manqueraient de protéines sans les champignons, et les champignons n’auraient pas suffisamment de glucides sans les plantes.
C’est ce qui fait tout l’équilibre des écosystèmes, mais aussi toute leur fragilité. Pêchez trop de thons rouges dans le Pacifique, et ce sont les méduses qui prolifèrent et qui bouleversent la biodiversité. Retirez les prédateurs d’une forêt et les herbivores, trop nombreux, se mettront à dévaster la végétation. La disparition d’une seule espèce interrompt la chaîne alimentaire et met en péril l’équilibre de l’écosystème tout entier et celui des écosystèmes voisins car tous remplissent un rôle fondamental pour la planète.
Il y a le sol sous nos pieds par exemple qui est animé d’une vie aussi bouillonnante que silencieuse. L’action des champignons, des vers de terre et des micro-organismes permet à la terre de rester en bonne santé et d’accueillir nos cultures. Des cultures qui seraient tout aussi impossibles sans le travail des insectes pollinisateurs. En effet, 75 % de l’alimentation mondiale sont liés à leur activité.
C’est aussi dans la nature que nous puisons notre eau, notre nourriture, nos ressources énergétiques, nos matériaux de construction ou nos médicaments. Au-delà du bien-être qu’elles nous procurent, les forêts participent aussi au cycle de l’eau, à la préservation des sols face à l’érosion et offrent un abri à 80 % des êtres vivants de la planète. Environ 1,6 milliards de personnes en dépendent aujourd’hui directement, et plus de 4 milliards se soignent par les médecines naturelles.
Les forêts du monde et tout particulièrement la jungle amazonienne jouent aussi un rôle clé dans la lutte contre le réchauffement climatique en stockant des quantités colossales de carbone, tout comme les océans qui restent les premiers producteurs d’oxygène et les principaux pièges à CO2 du monde. De vrais poumons bleus pour la planète grâce à l’action du phytoplancton, par le biais de la photosynthèse.
Les montagnes avec leurs bassins versants servent de réservoir aux plus grands fleuves sur Terre et à leurs affluents, ce qui leur permet de remplir des missions essentielles dans la bonne gestion de l’eau.
Quant aux zones les plus froides du globe, la banquise absorbe jusqu’à 80 % de la lumière du soleil. Cela permet à la fois de diminuer la quantité d’énergie absorbée par l’océan, mais aussi de créer l’effet de refroidissement nécessaire pour éviter la surchauffe dans toutes les régions du monde.
Malgré tout, par notre impact, nous faisons peser sur les écosystèmes des pressions considérables. 75 % des milieux terrestres ont d’ores et déjà été dégradés, et plus de 40% des végétaux sont aujourd’hui menacés d’extinction d’après les mesures relevées par l’IUCN.
En cause notamment, la destruction des habitats naturels avec la déforestation pratiquée pour construire des routes, des villes, et mettre en place de nouvelles parcelles cultivables. Au total, 80 % de la déforestation est aujourd’hui due à l’agriculture. Plusieurs millions d’hectares disparaissent ainsi chaque année au profit de la culture de l’huile de palme que l’on retrouve dans toutes sortes de produits, ou de la culture du soja destinée au bétail dans plus de 80 % des cas. Pire encore, parmi les techniques utilisées on retrouve la culture sur brûlis qui consiste à défricher par le feu de larges parcelles de forêts. Cela entraîne la disparition des espèces végétales les moins résistantes mais aussi celle de la micro-faune qui peuple les sols. Quant aux êtres vivants de plus grande taille, mammifères, oiseaux et même populations autochtones, c’est leur espace de vie qui se réduit et ils doivent alors migrer ailleurs.
D’un autre côté, on retrouve la surexploitation des ressources naturelles comme l’agriculture intensive, la surexploitation du bois ou la surpêche. Les stocks de poisson diminuent aujourd’hui de manière préoccupante, les bateaux en se déplaçant détruisent des habitats naturels et ce n’est pas le tourisme de masse qui arrange la situation. Quant aux récifs coralliens si riches en biodiversité, leur extinction est plus rapide encore que celle des forêts. 85 % d’entre eux sont directement menacés par nos activités humaines et de nombreux scientifiques estiment qu’ils auront totalement disparu d’ici à 2100.
La surexploitation des ressources, c’est aussi le braconnage qui menace plus de 11 000 espèces à travers le monde. Au cours du 20ème siècle par exemple, plus de 1,5 millions de baleines ont ainsi été tuées et certaines espèces comme la baleine bleue ont manqué de disparaître totalement. De plusieurs millions d’individus il y a quelques années, on ne trouve aujourd’hui plus que 500 000 éléphants en Afrique tandis que dans les forêts tropicales, même les paradisiers sont chassés pour leurs plumes colorées. Quant au lion, le roi du règne animal n’est pas non plus épargné depuis la disparition progressive du tigre d’Asie, lui aussi décimé par le braconnage.
En cause également, le changement climatique et les pollutions diverses comptent à égalité parmi les menaces actuelles. Cela inclut par exemple les déchets plastiques qui représentent 75 % des déchets marins, ou bien les pesticides qui s’infiltrent dans l’air, l’eau et le sol. Il faut savoir que ce dernier est très sensible aux changements de toutes sortes et que le moindre déséquilibre peut conduire à l’assèchement, à l’érosion ou à une perte totale de la fertilité. C’est ce que l’on appelle la désertification, un phénomène qui touche aujourd’hui 40 % de nos terres.
Et puis dernière menace, la prolifération des espèces invasives comme le frelon asiatique ou la jacinthe d’eau. Celles-ci peuvent être introduites volontairement ou non dans des milieux qui leur sont étrangers, et entraîner des dérèglements majeurs au cœur des écosystèmes. Ce sont généralement le commerce et le tourisme qui favorisent leur déplacement tout comme le réchauffement climatique qui pousse de plus en plus d’espèces à quitter leur habitat naturel.
Face à une situation d’une telle ampleur, la Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES) a réuni 150 scientifiques et plus de 300 experts issus de 50 pays pour travailler sur la réalisation d’un rapport décrivant l’état mondial actuel de la biodiversité. Un projet colossal qui s’est étalé sur trois ans. Et les conclusions ne laissent que peu de place au doute.
Le déclin de la biodiversité d’aujourd’hui est le plus vaste et le plus rapide jamais enregistré. Sur les 8 millions d’espèces animales et végétales présentes sur Terre, ce sont environ 1 million qui seraient menacées d’extinction d’ici les prochaines dizaines d’années. Le rapport nous décrit comme à l’aube d’une sixième extinction de masse, et la première à attribuer exclusivement aux activités humaines.
L’extinction des plantes semble de son côté généralement ignorée et pourtant, ce ne sont pas moins de 571 espèces végétales qui se seraient définitivement éteintes depuis 1750 soit un taux deux fois plus élevé que celui de la disparition des mammifères, des oiseaux et des amphibiens réunis. Ce calcul ne prend d’ailleurs pas en compte les plantes encore existantes mais n’ayant plus aucun moyen de se reproduire parce que les animaux qui transportaient leurs graines ont disparu, ou parce qu’il ne reste plus que des spécimens du même sexe. Les chiffres réels de leur extinction pourraient être en réalité quatre fois plus élevés.
Le texte met aussi en évidence le lien étroit qui existe entre le réchauffement climatique et la disparition de la biodiversité. À mesure que les températures augmentent, le niveau de la mer s’élève, la nature devient beaucoup plus fragile face aux événements et les zones habitables se réduisent progressivement à travers la planète. Sous l’effet des conditions climatiques, le désert du Sahara s’est étendu de 10 % en un siècle et le phénomène touche aujourd’hui les grands comme les petits déserts de la planète.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous sommes nous-mêmes liés à ces écosystèmes, et que les conséquences de ces bouleversements deviennent de plus en plus visibles. 100 à 300 millions de personnes sont aujourd’hui exposées à un risque accru d’inondations à cause de la destruction des habitats côtiers, et plus de 820 millions de personnes sont déjà confrontées à l’insécurité alimentaire en Asie et en Afrique.
Plus près de nous, en France, l’agriculture et particulièrement la production céréalière est déjà largement touchée par la dégradation des sols.
Au total, aucun des objectifs définis en 2010 par l’ONU lors de la convention d’Aichi au Japon, ne sera atteint. Il s’agissait notamment de mesures visant à réduire le taux d’extinction de la biodiversité d’ici à 2020. Le rapport de l’IPBES est donc d’une importance capitale puisque c’est lui qui fera office de document de référence pour la mise en place des futurs objectifs pour les années à venir.
Il évoque notamment la nécessité d’un changement en profondeur de nos modes de production et de consommation. L’heure est à la coopération à l’échelle internationale pour réduire les différentes sources de production et mettre en place des chaînes alimentaires plus respectueuses du rythme des écosystèmes.
Les objectifs de développement durable déjà fixés par les Nations Unies pour 2030 prévoient par exemple la restauration des sols dégradés, et la lutte contre la sécheresse et les inondations. Cela devra passer par exemple par l’atténuation du changement climatique, le renforcement des plans de préservation ou la mise en place de systèmes plus durables tels que l’agro-écologie qui veille à respecter les capacités de renouvellement de la terre. Il s’agira aussi de mieux informer les populations et de tenir compte de la voix des peuples autochtones qui ont tissé un lien beaucoup plus solide avec la nature et qui se battent au quotidien pour conserver leur territoire. Dans le même ordre d’idées, les gouvernements devraient aussi cesser d’accorder des subventions en faveur des pratiques de pêche néfastes pour l’environnement, ce qui correspond tout de même à près de 20 milliards de dollars chaque année.
Ce que l’on constate en attendant, c’est que certaines solutions déjà mises en application semblent avoir porté leurs fruits. Dans les îles, plus de 107 espèces d’oiseaux, de reptiles et de mammifères menacées sont en croissance grâce à l’éradication d’espèces envahissantes et le risque d’extinction des mammifères et des oiseaux a reculé de 29 % dans 109 pays.
Malgré tout, beaucoup reste encore à faire d’autant que certaines solutions envisagées offrent à la fois des avantages et des inconvénients. Les biocarburants par exemple pourraient avoir un effet positif sur le climat mais entraînent la déforestation et l’érosion des espaces naturels.
Pour soutenir les transitions qui sont amenées à venir, c’est aussi notre rôle en tant que citoyens et consommateurs d’agir à notre propre niveau. Les produits que nous choisissons d’acheter jouent un rôle clé dans le déséquilibre des écosystèmes.
Partant de là, on commencera simplement par privilégier les fruits et les légumes de saison, les produits sans huile de palme ou labellisés ainsi que les producteurs locaux et bio dont le travail n’implique ni déforestation, ni pollution à grande échelle. Plutôt que de s’en tenir aux préparations industrielles, on prendra le temps de cuisiner ses propres petits plats en limitant sa consommation de viande puisque sa production entraîne elle aussi la déforestation et nécessite beaucoup d’eau. De manière générale, il s’agit de s’intéresser aux modes de fabrication, à la provenance et à l’impact des produits que nous achetons, pour faire les choix les plus respectueux pour l’environnement.
Pour aller un peu plus loin, on travaillera aussi à notre production de déchets en limitant le gaspillage et en achetant des produits moins emballés. Cela implique notamment de se passer des bouteilles d’eau en plastique au profit d’une gourde en inox et de privilégier des produits plus naturels et plus durables comme les savons solides. On pourra éventuellement mettre en place un compost dans le jardin ou dans un coin de la cuisine pour traiter nos déchets organiques et réduire d’un tier le poids de nos poubelles. Cela permet dans le même temps d’obtenir un excellent engrais pour les plantes. L’occasion pourquoi pas d’installer un petit potager pour faire pousser des plantes aromatiques.
Pour ce qui est des plantes d’ailleurs, on veillera à limiter notre consommation d’eau en mettant en place un dispositif permettant une meilleure distribution. Cela permettra en plus de faire de belles économies. Et bien sûr, réduire au maximum l’usage de produits chimiques. Ceux-ci polluent les nappes phréatiques et nuisent aux plus petits organismes comme les abeilles.
Finalement, pour ne pas participer à la pollution de l’air, on veillera aussi à privilégier le vélo, la marche voire les transports en commun, et à ne se tourner vers la voiture qu’en cas de nécessité.
On remarque aujourd’hui une vraie prise de conscience de l’urgence climatique, mais l’effondrement de la biodiversité passe encore trop largement inaperçu. La résilience des écosystèmes est mise à mal un peu partout sur Terre, et des modifications durables auront sans doute lieu quoi qu’il arrive mais chaque petit geste que nous mettrons en place aura des conséquences positives.
Il est temps de réaliser que toutes les espèces de la planète, nous y compris, ont un rôle fondamental à jouer et que les écosystèmes sont connectés entre eux pour former la biosphère et permettre la vie sur Terre. Nous faisons d’ailleurs pleinement partie de cette vie au même titre que toutes les autres espèces, et c’est ce qui nous rend absolument indissociables des animaux et du monde végétal.
Agir pour la planète n’a alors rien d’un sacrifice mais implique une transition douce vers un monde plus durable, en apprenant à consommer plus sainement et en nous interrogeant sans cesse sur le fonctionnement de notre société et sur ce que nous pouvons faire pour l’améliorer. Une transition qui nécessite fondamentalement la coopération entre les pays, de la même manière que les êtres vivants coopèrent entre eux depuis la nuit des temps.