Le désert du Sahara : biodiversité, menaces, et conservation

Étendu à travers l’Afrique du Nord sur plus de 9 millions de km², le désert du Sahara est le plus vaste désert chaud au monde. Si l’on connaît son aridité extrême et ses températures avoisinant les 60 degrés durant le jour, on ignore plus souvent qu’entre ses gigantesques étendues de sable se répartissent aussi des régions montagneuses, des plateaux rocheux ou des déserts de pierre. 

Dans cette diversité de paysages, la vie s’est forcément réduite à son minimum mais se révèle bien moins rare qu’il n’y paraît. Près de 2 millions d’habitants vivent aujourd’hui dans le désert du Sahara, aux côtés de plusieurs centaines d’espèces animales et végétales rares et uniques car spécifiquement adaptées aux conditions rudes de leur environnement.

Tandis que le désert progresse de quelques kilomètres chaque année, ce sont certaines de ces espèces qui sont désormais sur le déclin du fait notamment du changement climatique qui s’opère au cœur d’une région déjà affaiblie par l’exploitation toujours croissante de ses ressources.

La biodiversité : Des espèces d’une extraordinaire résilience

Troisième plus grande aire désertique au monde derrière l’Antarctique et l’Arctique, le désert du Sahara n’a pas toujours été un désert. Depuis son apparition il y a plus de 7 millions d’années, il semblerait plutôt que les périodes humides et arides aient alterné tous les 20 000 ans environ, entraînant à chaque fois la migration ou la disparition de la faune et de la flore incapable de s’adapter.

Il y a près de 5000 ans, cèdres, cyprès et chênes-kermès recouvraient les pentes des montagnes sahariennes tandis que les rives des nombreux cours d’eau accueillaient encore crocodiles et hippopotames parmi les papyrus et les roseaux. Et puis la modification lente du climat et la destruction du couvert végétal ont modifié les paysages en quelques milliers d’années pour donner naissance au désert du Sahara tel que nous le connaissons.

S’il se déploie aujourd’hui à travers l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye, le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Tchad et le Soudan, les dunes de sable caractéristiques (ergs) qui le composent ne couvrent en réalité pas plus de 20% de sa superficie. Ailleurs s’élèvent d’imposants massifs montagneux, des plateaux rocheux et des étendues caillouteuses (regs) traversés ça et là par les cours d’eau essentiels à la vie.

Tandis que l’eau jaillit des nappes souterraines, jardins, vergers et champs de céréales font leur apparition. Ce sont les oasis soigneusement aménagées par l’Homme, où se rencontrent palmiers-dattiers, acacias, figuiers, amandiers, vignes, maïs, coton, millet et légumes de toutes sortes.

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Si cette végétation luxuriante ne se retrouve nulle part ailleurs dans le désert du Sahara, 

une flore plus rare mais d’une extraordinaire résilience se rencontre également dans les régions désolées et sur les dunes de sable. Des bosquets courts généralement, dont les racines plongent loin dans le sol à la recherche d’humidité, ou des cactus, mieux adaptés à la rareté en eau car moins soumis à l’évapotranspiration du fait de leur épines.

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Il faut dire que l’été saharien s’étend d’avril à octobre inclus, avec des variations considérables de l’amplitude thermique entre le jour et la nuit. Alors les plantes au sol utilisent l’ombre des palmiers pour se protéger de la chaleur du soleil, et ont développé d’étonnants mécanismes d’adaptation que nous retrouvons également chez les espèces animales.

Dans le désert du Sahara où la vie s’éveille généralement durant la fraîcheur nocturne, la faible quantité d’eau et de nourriture disponible, ont conduit certains animaux tels que le lièvre, le guépard ou le lycaon à opter pour une mobilité constante. D’autres, telles que le dromadaire et l’antilope, se sont dotées d’une constitution particulière grâce à laquelle elles parviennent à emmagasiner d’importantes réserves d’eau. 

D’autres encore se caractérisent par de longs engourdissements sous le sable, loin de la chaleur écrasante de la surface. Ce sont les lézards, le python, ou la vipère céraste par exemple tandis que dans les plaines rocailleuses plus riches en végétation évoluent fennecs, chats sauvages et rats aux côtés d’une multitude d’insectes, de poissons et d’oiseaux.

De cette biodiversité diversifiée apparue il y a plusieurs milliers d’années subsistent encore quelques espèces reliques telles que les oliviers sauvages ou le crocodile du Nil, témoins précieux des climats passés et des bouleversements qui s’observent aujourd’hui encore. 

Encore trop peu étudié, le désert du Sahara revêt dès lors une véritable dimension patrimoniale sur laquelle s’appuie déjà la recherche scientifique afin de mieux appréhender les adaptations du vivant face aux situations extrêmes et aux modifications climatiques profondes. En parallèle, sous la surface du sol, ce sont d’importantes réserves de minerai de fer, de charbon, de gaz naturel ou de pétrole qui sont désormais au cœur de différents projets d’extraction.

Une région longtemps préservée des activités humaines, aujourd’hui menacée par une plus grande accessibilité et par la hausse préoccupante des températures à travers la planète.

Les menaces : Une région hostile convoitée 

On estime aujourd’hui qu’un quart des terres de la planète sont des déserts. S’il en existe de toutes tailles et de toutes sortes, tous ont en commun de souffrir de la négligence des communautés locales et internationales. Le déclin rapide de la mégafaune, les pollutions diverses, le développement des villes environnantes sont autant de menaces au maintien de leur équilibre. 

Tandis que l’Homme progresse au cœur du désert du Sahara, au détriment des espèces végétales, animales et des peuples humains qui en dépendent, rares sont pour l’heure les projets de conservation à avoir été amorcés.

Le désert du Sahara, terre de passage

Aux côtés des peuples nomades de moins en moins nombreux, la construction de routes et le développement d’infrastructures a favorisé la transformation du désert en lieu touristique, en terrain d’entraînement militaire ou en lieu d’implantation de prisons. 

À mesure que les villes et les villages grignotent peu à peu les milieux naturels, c’est aussi une augmentation de la chasse qui s’observe dans ces régions. Les léopards et les guépards n’occuperaient plus respectivement que 3 et 10% de leur territoire d’origine, et la situation est plus critique encore pour les antilopes à nez tacheté ou les gazelles dama dont l’aire de distribution initiale se serait réduite de 99%. 

Autour des puits ou des points d’eau, la surpopulation d’animaux domestiques pèse parfois lourd sur la quantité des ressources disponibles tandis que la demande croissante en bois de chauffage a conduit à la suppression de bon nombre d’arbres et de buissons. 

Mais le désert du Sahara, en s’ouvrant sur le monde, a permis le développement de nouvelles activités commerciales. Trafics de cigarettes, d’armes ou de stupéfiants, de nouveaux enjeux économiques qui éclipsent encore davantage la nécessité absolue de prendre soin de ces écosystèmes uniques.

L’exploitation du sous-sol

Riche de nombreuses ressources minières qui ont aidé à faire entrer certains pays dans la mondialisation, le désert du Sahara contient encore d’importantes quantités d’hydrocarbures qui suscitent aujourd’hui bien des convoitises.

Les gisements découverts en Algérie dans les années 50 représentent par exemple 40% du PIB du pays tandis que la quasi-totalité de l’économie libyenne reposait encore il y a quelques années sur le pétrole.

L’exploitation de ces ressources, en plus d’être sources de tensions entre les pays et d’impliquer l’installation d’infrastructures massives au cœur du désert, est globalement dominée par des multinationales occidentales voire des entreprises issues de pays émergents. Autrement dit, aucun revenu ne profite aux populations locales de cette région dont le niveau de développement reste encore le plus bas au monde.

La hausse des températures

Tout comme les pôles de la planète subissent plus sévèrement qu’ailleurs le réchauffement climatique, les températures dans les régions désertiques ont augmenté de 0,5 à 2 degrés en l’espace d’une trentaine d’années, contre 0,45 degrés en moyenne sur le reste de la planète. On estime déjà qu’aucun continent ne subira comme l’Afrique les effets du changement climatique.

D’autant que les températures dans les déserts pourraient augmenter encore de 5 à 7 degrés d’ici la fin du siècle, tandis que les précipitations devraient diminuer de 5 à 10%. Ce qui aura également un impact sur l’agriculture.

En conséquence, la surface du désert du Sahara s’est étendue d’environ 10% depuis 1920. Sa superficie a toujours varié au fil des saisons, mais la hausse des températures engendrée par les activités humaines s’ajoute aujourd’hui aux causes naturelles. Avec elle, c’est la sécurité alimentaire de quelque centaines de millions de personnes, installées en bordure du désert comme au Sahel ou autour des oasis, qui est désormais menacée.

Le Maroc a déjà perdu les deux tiers de sa palmerais au cours du siècle dernier.

La conservation : De nouvelles approches pour une gestion durable

Pour préserver les richesses, la biodiversité du désert du Sahara et les populations environnantes, c’est finalement l’approche des espèces et des écosystèmes qui doit être repensée.

Lentement, les politiques d’adaptation se mettent en place afin d’inclure le réchauffement climatique et son impact sur les régions désertiques dans toutes les décisions à long terme. En 2010, la Banque Africaine de Développement et la Commission de l’Union Africaine lançaient ainsi le Programme Climatique pour le Développement de l’Afrique qui prenait enfin en compte le poids de la hausse des températures dans le développement présent et futur du continent.

En parallèle, le Sahara Conservation Fund créé en 2004 s’est fixé pour mission de préserver les paysages, la flore et la faune sauvage du Sahara. L’addax, l’oryx algazelle ou l’outarde y comptent parmi les espèces prioritaires, le tout sans empêcher le développement humain indispensable pour les pays.

Des mesures encore difficiles à mettre en place, la rareté des ressources disponibles et la nécessité pour les êtres vivants de parcourir de grands espaces compliquant la création d’aires protégées exclusivement réservées à la faune en danger.

Quant au développement touristique dans ces espaces, voilà plusieurs dizaines d’années qu’il est abordé dans les sommets internationaux. Après étude du tourisme sous toutes ses formes et des différentes destinations, il s’agira à terme d’inclure l’activité dans un contexte de préservation de l’environnement plus large, au sein d’une aire socio-géographique particulière.

Parmi les objectifs immédiats, la réduction de l’extrême pauvreté de certaines populations, la mise en place d’un partenariat mondial pour le développement et la préservation des ressources et des territoires. 

De quoi mettre l’accent sur une utilisation plus raisonnée des ressources à l’heure où l’énergie solaire, tout comme les hydrocarbures enfouis dans le sous-sol, constitue une vraie promesse pour le désert du Sahara.

Très ensoleillée le jour, balayée par un vent léger la nuit, située non loin de la mer, la région réunit déjà toutes les conditions nécessaires à la production des énergies douces et renouvelables autour desquelles se concentreront les efforts du XXIème siècle.

Un désert de la taille du Sahara pourrait ainsi capturer assez d’énergie solaire pour répondre aux besoins d’électricité du monde entier et constituer une alternative essentielle lorsque les stocks de pétrole seront épuisés.

Les discussions vont déjà bon train entre certains gouvernements. Voilà plusieurs années que le Maroc a amorcé un développement progressif des énergies naturelles à travers l’éolien notamment, tandis que l’Égypte s’est dotée d’une centrale solaire moderne pourvue de 53 000 miroirs et d’un parc de 130 000m² de panneaux solaires pour produire une partie de l’électricité du Caire.

Puisque le désert du Sahara apporte déjà une réponse au développement local et aux enjeux éco responsables de demain, l’exploitation de ses ressources finies comme inépuisables est fondamentalement amenée à se poursuivre voire à s’accroître. Tout dépendra des programmes et des procédés mis en place, qui devront rester en accord avec la question du développement durable afin de profiter sur le long terme à la région toute entière.