Avec ses 4 milliards d’hectares, la forêt recouvre environ 30% de notre planète. Sa répartition sur Terre est très inégale puisque une poignée de pays tels que la Chine, les États-Unis ou le Brésil concentrent à eux seuls plus de la moitié de sa superficie, tandis que d’autres n’en possèdent qu’un ou deux kilomètres carré. Et parfois moins.
Comme tous les écosystèmes essentiels à la vie sur Terre, la forêt a conservé la plupart de ses secrets. Tour à tour puit de carbone, source d’énergie, de nourriture, ou de médicaments, elle est aussi le refuge d’une biodiversité indispensable et encore si peu connue.
À l’ombre de sa végétation dense se cachent une faune et une flore extraordinaires qui ont su tisser des liens tout aussi surprenants pour assurer leur survie depuis des milliers d’années. Des richesses largement sous-évaluées et dont la continuité sur le long terme semble de plus en plus remise en cause.
Sommaire
Et pourtant, les forêts recouvraient à l’origine plus de la moitié de notre planète. On fera généralement la distinction entre les forêts plantées par l’Homme et les forêts dites naturelles qui concentrent le plus grand nombre de ressources et représentent 90% des forêts de notre Terre.
De l’étendue forestière initiale, il nous reste encore une formidable diversité qui permet aux forêts de changer d’aspect, de végétation ou de taille en fonction de leur situation sur la planète.
Les forêts d’aujourd’hui se répartissent en effet en plusieurs grandes catégories :
La formation d’une forêt particulière est déterminée par le climat mais l’on observe aussi qu’à l’intérieur d’une même zone climatique, les écosystèmes forestiers ne seront pas les mêmes selon l’altitude ou l’exposition au soleil.
Du côté des forêts tropicales par exemple, on retrouve les forêts sèches réparties entre l’Amérique, l’Afrique et l’Asie, les forêts inondées de type mangrove ou bien les forêts humides, continuellement vertes grâce aux précipitations régulières et au renouvellement fréquent des arbres.
Et malgré tout, les forêts suivent en se développant un schéma toujours identique.
Les forêts du monde se développent ainsi selon un schéma vertical, déterminé par la compétition féroce que se livrent les espèces végétales pour la lumière. Sans elle, impossible d’effectuer la photosynthèse, et la croissance s’interrompt. Dans les forêts tropicales, le couvert forestier est si dense que seuls 2% des rayons du soleil parviennent jusqu’au sol. La lutte est donc rude pour parvenir jusqu’au sommet.
Autre facteur essentiel, l’eau, dans laquelle tous les êtres vivants puisent une bonne partie des ressources indispensables à leur développement.
Avec son climat interne et la multiplicité de ses habitats, la forêt offre une excellente qualité de vie à ses occupants, répartis entre ses différentes strates. L’organisation y est rigoureuse, chaque espèce possédant ses propres caractéristiques et jouant un rôle bien précis.
La Guyane notamment, recouverte à 96% par la forêt, est un véritable foyer de biodiversité où se concentrent près de 400 000 espèces animales et végétales, et plus de 1300 variétés d’arbres. Beaucoup plus près de nous, en France métropolitaine, les forêts sont également le refuge de plus de 70 espèces de mammifères et 120 espèces d’oiseaux, ainsi que de plusieurs dizaines de milliers d’espèces d’insectes et de champignons.
Les insectes amateurs de bois y sont d’ailleurs particulièrement abondants, tout comme certaines espèces de papillons remarquables en voie de disparition telles que la Matrone ou le Damier du Frêne.
Ailleurs sur la planète, les forêts tropicales humides notamment constituent le dernier abri de nombreuses espèces menacées. De nouveaux animaux et de nouvelles plantes y sont découverts régulièrement, desquels la recherche pharmaceutique tire les molécules à la base de la plupart des médicaments modernes.
La forêt c’est aussi, avec les océans, l’un des puits de carbone majeurs de notre planète. Par le processus de la photosynthèse, les plantes absorbent des quantités colossales de dioxyde de carbone tout au long de leur existence pour fabriquer en échange l’oxygène nécessaire à leur survie. Ce sont au total près de 400 gigatonnes de carbone qui sont ainsi piégées dans les arbres du monde. Les écosystèmes forestiers jouent donc un rôle de premier plan dans la purification de l’air et la lutte contre le réchauffement climatique.
D’un autre côté, l’eau représente elle aussi une importante part de la masse totale du bois des arbres. Les forêts captent l’eau bien plus que n’importe quelle autre surface végétale, pour la redistribuer progressivement à travers le sol et les feuilles. Cela permet de limiter les phénomènes de crues et de glissements de terrain et de conserver des sols riches, peu touchés par l’érosion.
En savoir plus
L’eau, en s’écoulant dans les couches inférieures de la terre, sera aussi filtrée pour atteindre les nappes souterraines débarrassée d’une bonne partie de ses impuretés.
Mieux encore, les forêts ont la capacité d’influer sur les conditions climatiques régionales.
Captée par les systèmes racinaires et acheminée jusqu’aux feuilles, une bonne partie de l’eau est relâchée dans l’atmosphère sous forme de vapeur. À l’ombre des grands arbres ou aux abords des étendues forestières, on constate alors que l’air est plus frais, plus humide, et que les précipitations sont nettement favorisées.
De quoi accueillir une large diversité d’être vivants et les forêts sont d’ailleurs les plus riches en espèces animales et végétales de tous les écosystèmes terrestres.
Cela leur permet de s’adapter en permanence aux conditions environnementales changeantes afin de maintenir notamment l’équilibre entre les différents maillons de la chaîne alimentaire qui constitue la condition même du fonctionnement des écosystèmes.
Et il faut dire que chacun occupe une place bien spécifique. Les êtres vivants échangent en permanence de la matière et de l’énergie, à la fois entre eux mais aussi avec leur environnement.
Dans le sol, une foule colossale d’insectes et d’organismes parfois invisibles à l’œil nu s’active à se nourrir des feuilles mortes et des restes d’êtres vivants. Ce sont les décomposeurs, indispensables à la formation de la matière organique dont dépendent toutes les espèces animales et végétales.
On y retrouve notamment des bactéries, des vers de terre, des termites et des fourmis, cachées dans les creux des arbres où elles se nourrissent du nectar produit par leur hôte. En échange, les fourmis éloignent les éventuels prédateurs de l’arbre en question, et tuent les vignes grimpantes qui risqueraient de l’étouffer.
C’est ce que l’on appelle la symbiose, et elle s’observe chez de nombreuses espèces qui ont ainsi appris à coopérer. Nos petites fourmis par exemple, entretiennent le même type de relation symbiotique avec les chenilles qu’avec les arbres.
En remontant à la surface vers la strate herbacée, on retrouve les lichens et les champignons capables d’absorber de grandes quantités d’eau en période humide pour les redistribuer durant les saisons sèches. Les arbres en retour leur fournissent une formidable réserve de nutriments à travers la sève notamment.
Avec les plantes, ils appartiennent à la catégorie des producteurs primaires qui soutiennent toute la chaîne alimentaire en offrant la nourriture nécessaire aux consommateurs.
C’est d’ailleurs à cet étage qu’évoluent la plupart de ces consommateurs, petits et grands mammifères, herbivores et carnivores, répartis à travers les forêts de la planète selon les conditions climatiques. Bison d’Europe, récemment réintroduit en Russie après avoir frôlé l’extinction, panthère des neiges en Inde et au Pakistan, kakapo en Nouvelle-Zélande parmi tant d’autres espèces connues ou exotiques.
Certains consommateurs mélangent volontiers l’alimentation animale et végétale à l’image du singe tamarin qui se régale tout autant de fruits que d’insectes ou de grenouilles. D’autres comme le jaguar en Amazonie sont considérés comme de grands prédateurs et pourront tout aussi bien chasser les herbivores comme le capybara que les carnivores comme le caïman.
L’équilibre entre proies et prédateurs y est délicat, et il suffit d’un rien pour perturber en profondeur le bon fonctionnement de ces écosystèmes. En Australie par exemple, le renard roux compte parmi les espèces invasives en étendant son territoire à toute vitesse au détriment d’autres espèces comme le quokka.
Ce petit cousin du kangourou qui a trouvé refuge dans la forêt australienne de Jarrah est surnommé «l’animal le plus heureux du monde» et pourtant, sa population est sur le déclin depuis de nombreuses années.
En savoir plus
Plus haut, les strates supérieures de la forêt constituent des écosystèmes à part entière et un vrai royaume pour les oiseaux. Le lierre, qui colonise les arbres sans les parasiter, représente en hiver une excellente source de nourriture pour bon nombre d’entre eux. Au printemps en revanche, il se flétrit et perd ses feuilles qui viendront nourrir en se décomposant les organismes souterrains et les autres végétaux.
En savoir plus
De la Chouette de Tengmalm habituée à l’Europe à la tourterelle des bois ou à l’aigle impérial qui peuplent presque tous les continents, les oiseaux remplissent une missions fondamentale pour la survie des forêts : la dispersion des graines.
En savoir plus
De manière volontaire ou involontaire, les animaux en se déplaçant ou en se nourrissant des graines vont contribuer à les transporter parfois sur de très longues distances. Les pies ou le geai des chênes par exemple ont l’habitude de se constituer des réserves de graines et de glands avec le retour de l’automne. Et puis le temps passe et les graines oubliées finissent par germer, participant au renouvellement des forêts. L’écureuil fait lui aussi partie de ces petits étourdis.
Grands consommateurs de fruits, les macaques de Barbarie et les grands primates des forêts tropicales sont tout aussi essentiels à la régénération de la végétation, de même que le panda géant dont le pelage accroche les graines au gré de ses mouvements.
S’ajoutent à cela les innombrables insectes pollinisateurs qui, en se nourrissant du pollen, participeront à le transporter d’une fleur à l’autre, permettant ainsi la fécondation des plantes.
D’une manière ou d’une autre, tous les êtres vivants ont ainsi appris à travailler ensemble pour maintenir leur propre équilibre.
D’ailleurs, si la faune est si diverse au cœur des forêts, c’est que la flore fait elle aussi preuve d’une incroyable richesse. De nombreuses essences d’arbres connues comme le chêne, le hêtre, le tilleul ou le frêne côtoient un nombre colossal d’herbacées plus étonnantes telles que le Sceau de Salomon et de plantes à fleurs remarquables comme la Nivéole de printemps ou le rarissime Sabot de Vénus.
Les forêts tropicales humides renferment à elles seules 70% de toutes les espèces végétales connues, et bien d’autres encore qui nous restent à découvrir. Un seul hectare y englobe parfois 80 à 200 espèces différentes. Des variétés à feuilles larges pour faciliter l’évacuation de l’eau et dotées de quelques rares bourgeons soigneusement protégés derrière de multiples cachettes.
Les forêts tropicales du monde sont d’ailleurs si denses et si sauvages que certaines ne portent encore aucune trace de l’activité humaine. On parle alors de forêts primaires par opposition aux forêts secondaires, régénérées de manière artificielle. Environ 13 millions de km² de forêts, soit un peu plus du tiers de la superficie forestière mondiale, sont considérés comme étant des forêts primaires. C’est le cas notamment de la forêt d’Amazonie, ou des écosystèmes forestiers que l’on retrouve le long du bassin du Congo et dans la Forêt du Grand Ours en Colombie-Britannique.
Riches en ressources et en biodiversité, la plupart d’entre elles sont malheureusement aujourd’hui en recul, à raison d’environ 60 000km² au cours de ces quinze dernières années. Beaucoup de pays d’Afrique et d’Europe ont d’ores et déjà déclaré ne plus posséder aucune forêt primaire.
Certaines régions ont tout de même enregistré un ralentissement de cette perte comme le Japon et quelques pays d’Europe occidentale qui ont même vu la superficie de leurs forêts primaires augmenter avec la fin de l’exploitation forestière dans ces zones-là. Mais ailleurs comme au Brésil et en Indonésie, le recul s’intensifie.
Face aux menaces et aux bouleversements climatiques, les forêts font pourtant preuve d’une exceptionnelle résilience. Il leur faut en moyenne entre 5 et 200 ans pour se reconstituer, soit un million de fois moins que le temps nécessaire au charbon ou au pétrole. Mais les pressions d’aujourd’hui dépassent de beaucoup le rythme naturel de leur régénération.
Certaines espèces d’arbres sont particulièrement recherchées pour leur bois, en particulier en Asie du Sud-est et en Amérique du Sud tels que l’Acajou des Antilles et l’Araucaria du Chili. Des arbres qui constituent pourtant le cadre de vie d’une multitude d’espèces différentes. La surexploitation de l’eucalyptus liée à l’industrie papetière met par exemple en péril le Koala en Australie continentale ou le diable de Tasmanie sur l’île du même nom, forcés de s’aventurer hors des milieux qui leur sont familiers.
Avec la hausse des températures liés au réchauffement climatique, les besoins en eau augmentent mais le sol et l’air deviennent plus sec y compris dans les régions humides. En France, les forêts portent encore les marques des vagues de sécheresses de 2003 et 2006 qui les ont rendues plus vulnérables face aux autres agressions.
En savoir plus
Conséquence également du réchauffement climatique, de nouvelles espèces animales et végétales gagnent du terrain au détriment des autres êtres vivants déjà sur place. La progression des chenilles processionnaires du pin vers le nord en est l’un des exemples les plus marquants. Selon les prévisions les plus optimistes, elles devraient avoir atteint la région parisienne d’ici à 2025.
Pour l’élevage du bétail, l’urbanisation, la culture du soja et des palmiers à huile, ce sont plusieurs millions d’hectares de forêts qui disparaissent chaque année et avec eux les habitats naturels des espèces animales locales qui se réduisent toujours un peu plus. Alors pour tenter de reconstituer les forêts détruites, on mise sur des monocultures à croissance rapide la plupart du temps comme les eucalyptus ou les pins. Des monocultures qui participent à l’appauvrissement des sols et ne permettent pas le développement d’une biodiversité riche.
En savoir plus
En parallèle des incendies spontanés liés aux sécheresses, il faut savoir que la déforestation s’effectue le plus souvent par brûlis. On brûle tout pour gagner du temps et les incendies souvent incontrôlables gagnent aussi des parcelles qui n’étaient pas encore destinées à être détruites. Les espèces animales incapables de fuir seront elles aussi brûlées durant la manœuvre.
L’extinction de la faune des forêts mène aussi au recul de la flore dont la régénération par la dissémination des graines n’est plus assurée. Les populations de vertébrés en forêt ont d’ores et déjà diminué de moitié en quarante ans. L’ours à lunette qui parcourt les forêts d’altitude de la cordillère des Andes est aujourd’hui l’ours le plus menacé de la planète tandis que le pangolin, récemment découvert par le grand public du fait de l’actualité, est l’animal subissant le plus de braconnage au monde depuis de nombreuses années.
En savoir plus
Dans l’air, dans l’eau, dans le sol, due aux rejets d’azote agricole ou aux émissions industrielles, la pollution sous toutes ses formes perturbe l’équilibre fragile des écosystèmes. La faune microscopique déserte les sols, les végétaux manquent des nutriments essentiels et cela se répercute à tous les niveaux de la chaîne alimentaire.
En savoir plus
Bien sûr, les écosystèmes forestiers sont des milieux dynamiques capables de faire preuve d’une extraordinaire résilience face aux bouleversements naturels ou non de notre planète. Mais tous n’ont pas la même faculté de résistance, et bon nombre d’entre eux sont d’ailleurs particulièrement fragiles.
Dans certaines régions françaises, la forêt a recommencé à se développer tandis qu’ailleurs, au Brésil ou en Indonésie par exemple, la déforestation atteint des sommets qu’aucune mesure ne semble être en passe de freiner.
Depuis toujours, les forêts ont pourtant joué un rôle clé dans l’apparition puis le développement de cette biodiversité extraordinaire qui fait de notre planète un lieu de vie unique.
Elles sont intimement liées au passé de notre Terre, et auront des missions tout aussi essentielles à remplir dans le futur.
Sauf catastrophe majeure, les forêts que nous connaissons aujourd’hui se tiendront encore à la même place dans les dizaines, les centaines d’années à venir. La question étant, quels mécanismes d’adaptation auront-elles mis en place d’ici là ?