Les gorilles, comme toutes les autres espèces de singes, sont menacées d’extinction à l’état sauvage. Ils sont présents dans dix pays de l’Ouest et du centre de l’Afrique, vivant dans les forêts équatoriales. Ils se déclinent en deux espèces : les gorilles de l’est et les gorilles de l’ouest. Ces deux espèces diffèrent par des caractères morphologiques, génétiques et éthologiques.
1. Introduction
Les gorilles,
comme toutes les autres espèces de singes, sont menacées
d’extinction à l’état sauvage. Ils sont présents dans dix pays
de l’Ouest et du centre de l’Afrique, vivant dans les forêts
équatoriales. Ils se déclinent en deux espèces : les gorilles de
l’est et les gorilles de l’ouest. Ces deux espèces diffèrent par
des caractères morphologiques, génétiques et éthologiques.
Les gorilles de l’est sont eux-mêmes divisés en
deux sous espèces : les gorilles de plaine de l’est et les
gorilles de montagne.
Les 700
gorilles de montagne (Gorilla
beringei beringei) encore présents vivent
dans la région de Virunga, aux frontières du Rwanda, de
l’Ouganda et de la République Démocratique du Congo. Leur
population n’a pas cessé de diminuer depuis 100 ans, date de
leur découverte, suite à la chasse non contrôlée, aux guerres,
aux maladies, à la destruction de leurs habitats et à la capture
d’individus pour le commerce illégal d’animaux de compagnie.
Tous ces facteurs laissaient penser que la dramatique
décroissance des populations de gorilles de montagne conduirait
à sa disparition au cours du 20ème siècle.
Les gorilles de
plaines (Gorilla beringei graueri), les plus grands de toutes les
espèces de gorilles, vivent dans la République Démocratique du
Congo. Ils sont moins menacés que les gorilles de
montagne, bien que soumis aux mêmes perturbations que ceux-ci.
Leur effectif est d’approximativement 17 000 individus. Les
principales différences morphologiques qui les distinguent des
gorilles de montagne, sont des dents et poils plus courts, ainsi
que des bras plus longs.Enfin, on peut noter que le manque de réglementation dans l’aire de répartition de ces gorilles est un facteur aggravant.
Les gorilles de l’ouest
(Gorilla gorilla gorilla)
vivent dans les forêts tropicales de plaine du Gabon, du
Congo-Brazzaville, du Cameroun et de République Centrafricaine,
avec de plus petites populations en Guinée Equatoriale et au
Nigeria. Leur effectif est bien plus important que les autres
espèces avec près de 94 500 individus, mais ils sont néanmoins
menacés de disparition. La déforestation et le commerce de
viande de brousse (bushmeat) sont les principales causes de leur
disparition.
Le Nigeria et le Cameroun occidental abritent le gorille de
la Cross (Gorilla gorilla diehli), une petite population de gorille de
l’ouest, avec moins de 250 individus. Il diffère du précédent
par une dimension crânienne et des dents différentes. Des mesures de conservation doivent être établies
de manière urgente pour assurer leur conservation, suite à la
destruction de leur habitat.
Un des plus proches parents de l’homme dans le
règne animal (il appartient également à la famille des
Hominidés), est aujourd’hui menacé d’extinction (classé comme en
danger (EN) par l’IUCN depuis 1990). Les causes d’extinctions
sont diverses et leur combinaison a aggravé la situation.
Différents projets de conservation sont en cours pour protéger
ces animaux et leurs habitats, et ainsi que pour sensibiliser
les populations locales.
2. Menaces
Toutes les
espèces de grands singes sont menacées d’extinction dans un
futur proche ou dans le meilleur des cas d’ici 50 ans si aucune
action n’est entreprise pour assurer leur conservation.
2.1 La destruction de leurs habitats
La principale
perturbation occasionnée aux populations de gorilles est la
destruction de leurs habitats en général, et la déforestation en
particulier.
Selon un
rapport du Programme des Nations unies pour l’Environnement
(PNUE) publié en 2002, moins de 10% de l’habitat forestier des
grands singes d’Afrique restera intact en 2030.
La
déforestation est conditionnée par la nécessité pour l’homme de
prélever du bois pour se chauffer et pour une utilisation
industrielle, par l’ouverture du milieu pour une utilisation
agricole et pour le développement urbain (habitations,
routes,…). Elle s’est accélérée depuis les années 1980 avec
l’installation d’entreprises étrangères exploitant le bois, si
bien qu’une estimation indique qu’il n’y aurait plus de forêt
primaire en Afrique d’ici 5 à 10 ans.
L’ouverture du milieu à des fins agricoles est réalisée par des
incendies, qui provoquent non seulement la destruction de
l’habitat des grands singes, mais aussi une mortalité directe
des singes et une baisse de leurs ressources alimentaires.
La construction des routes entraîne une
fragmentation du milieu et la destruction des derniers lieux de
vie des grands singes, mais elle permet également de faciliter
l’accès aux braconniers afin de chasser les adultes pour leur
viande et les petits pour alimenter le commerce illégal
d’animaux de compagnie (Dr Klaus Toepfer). Le Dr Klaus Toepfer,
directeur exécutif du PNUE, précise à ce sujet que de nouvelles
routes sont en construction en Afrique, pour des raisons
d’extraction de bois, de pétrole et de minerais.
Les forêts du Gabon et de la République démocratique du Congo
abritent 80% de la population mondiale de ces animaux. Entre
1983 et 2000, plus de la moitié d’entre eux (56%) a disparu.
Il ne resterait plus que 40% de forêt primaire au Congo et 20%
au Gabon.
2.2 Les
maladies
Les
maladies sont une deuxième menace à prendre en compte dans
l’extinction des gorilles.
Une des maladies frappant régulièrement les populations de
gorilles (mais aussi de chimpanzés) est celle du au virus Ebola.
Cette maladie touche également l’homme et provoque des fièvres
hémorragiques conduisant généralement à la mort. C’est un virus
très contagieux, qui se répand très rapidement.
Le réservoir naturel du virus Ebola semble habiter les forêts
tropicales d’Afrique et d’Asie, mais il n’a pas encore été
identifié.
Les
épidémies de virus Ebola chez les grands singes ne résulteraient
pas de la propagation d'une seule épidémie d'individu à
individu, mais plutôt de contaminations massives et simultanées
de ces primates à partir de l'animal réservoir à la faveur de
conditions environnementales particulières (Science, 2004).
S'il apparaît que les épidémies chez les primates surviennent
principalement lors des changements de saison, on ne connaît pas
cependant exactement les conditions environnementales requises
pour leur émergence, ni quel est l'hôte, réservoir naturel du
virus, qui contamine ces derniers. Les recherches sont en cours
pour tenter de caractériser ces paramètres (Science, 2004).
Selon l’Institut de recherche
pour le développement (IRD), durant les dernières épidémies d’Ebola,
« des centaines, voire des
milliers d’animaux seraient morts
» dans le sanctuaire de Lossi, au Congo
(Science, 2004)
Les grands
singes peuvent également être victimes de maladies apportées par
l’homme. Ainsi, dans le parc national de Gombe, en Tanzanie,
plusieurs vagues de maladies respiratoires telles que la
pneumonie ont entraîné des taux de mortalité allant jusqu’à 40 %
chez les chimpanzés, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF).
2.3 La
chasse
Bien que
les gorilles soient des espèces protégées, la chasse fait encore
partie des principales menaces, car elle représente une activité
prospère dans des zones relativement pauvres.
Le Fonds mondial pour la nature estime que l’homme tue chaque
année entre 3000 et 6000 grands singes.
La chasse des gorilles, plus importantes dans les zones
périphériques des villes, prend plusieurs formes : la chasse
pour se nourrir (viande de brousse ou bushmeat), la capture de
jeunes individus à diverses fins, les croyances locales,…
La viande
brousse (singes, antilopes, éléphants,…) est une nourriture
traditionnelle consommée pour des raisons spirituelles. Mais
c’est surtout un marché lucratif dans les plaines du centre
ouest de l’Afrique.
Une partie de ce "gibier africain" est expédiée par bateaux et
par avions et sera servi dans certains grands restaurants
européens. On estime
qu’environ 800 gorilles par an sont tués pour cette
utilisation.
Les jeunes
individus sont capturés non pas pour être mangés mais pour être
vendu sur les marchés. Ils sont généralement battus et blessés
lors de la capture, si bien qu’un faible pourcentage d’individus
subsiste.
Ce
commerce est le plus répandu au
Gabon, Congo, Zaïre et Cameroun.
Les gorillons de montagne (Gorilla
beringei beringei)
ne sont plus chassés. Leur manque d’adaptation aux nouvelles
conditions et leur vulnérabilité provoquaient la mort des
individus. Tous les individus capturés dans les années 1960 –
1970 afin d’être placés en parc zoologique sont morts peu de
temps après leur capture.
Certains
gorillons seront capturés pour être engraissés puis consommés.
Les jeunes gorilles traumatisés par la mort de leur mère meurent
dans la plupart des cas de dépression ou de malnutrition. En
effet, ils sont nourris principalement avec des bananes et du
maïs, alors qu’ils étaient adaptés à une nourriture riche et
diversifiée, provoquant des carences et des maladies avant
d’atteindre le « poids idéal pour la consommation ».
Enfin la capture peut être destinée à des zoos, qui n’ont aucun
objectif de conservation, et comme seul but la visibilité
maximale des animaux dans un espace restreint.
De
nombreux individus capturés sont destinés à l’accomplissement de
croyances locales.
Chaque partie du corps aurait des effets bénéfiques divers comme
la force et la vitalité pour de la poudre de main séchée de
gorille, une meilleure fertilité et des propriétés spirituelles
pour la viande de gorille.
Les oreilles, langues, organes génitaux et petits doigts sont
vendus aux sorciers guérisseurs qui leur attribuent des
propriétés magiques
Les conflits civils se déroulant dans l’aire de
distribution sont de plus en plus pris en compte. Ils obligent
les paysans à quitter leurs fermes et à vivre dans les forêts où
ils doivent chasser pour se nourrir.
2.4 Le
tourisme
Le
tourisme est lui aussi responsable de l’extinction des gorilles.
Tout d’abord, comme il a été indiqué précédemment en tant que
vecteur de maladies nouvelles, mais aussi car la sur
fréquentation des forêts par les touristes, sans action directe
sur les gorilles, provoque l’acclimatation à l’espèce humaine,
les rendant plus vulnérables aux braconniers car moins vigilant.
2.5 La
faible fécondité
Comme la
plupart des anthropoïdes, les femelles gorilles sont réceptives
sexuellement seulement lorsque leur petit dernier est sevré
soit, vers l'âge de trois ou quatre ans. Etant donné qu'elles ne
donnent naissance qu’à un seul bébé à la fois, qu'elles ne sont
fertiles que vers 8-9 ans, que leur vie moyenne (de plus en plus
courte) est entre 35 à 50 ans, et que leur gestation dure 8.5
mois, on estime qu'en moyenne une femelle peut donner naissance
entre 4 à 9 gorillons au cours de sa vie. Il faut prendre en
compte que les gorillons ne seront pas tous viables et que les
femelles sont moins fertiles à un âge avancé.
Ce facteur
rend les gorilles encore plus vulnérables. On comprend que la
perte d'un individu dans une communauté, surtout une femelle,
est devenue catastrophique pour cette espèce ancienne en voie
d'extinction.
3. Conservation
3.1
Historique
Les
premières associations de protection des grands singes ont vu le
jour il y a près de trente ans : l’Institut Jane-Goodall a été
fondé en 1977, la
Fondation Dian-Fossey un an plus tard. Depuis, plusieurs
dizaines d’organismes ont été créés. Beaucoup sont des
fondations qui recueillent de l’argent dans les pays occidentaux
afin de financer des actions de protection, de recherche et de
sensibilisation des populations locales.
Le Fonds
Dian-Fossey finance ainsi le centre de recherches de Karisoke,
au Rwanda, qui joue un rôle central dans la protection des
gorilles des montagnes. Les agences des Nations unies (Unesco et
PNUE), ainsi que les organisations de défense de la nature comme
le WWF, participent, elles aussi, à la lutte en faveur des
grands singes.
Ce travail
sur le terrain, au quotidien, avec les populations locales est
irremplaçable. Cependant, aucune action d’envergure ne pourra
être réellement menée sans une véritable aide au développement,
en particulier de l’Afrique.
3.2
Règlementation
Les grands
singes figurent sur la liste des espèces menacées établie par
l’UICN (Union internationale de conservation de la nature). Ils
sont protégés par la loi dans tous les pays où ils vivent et
sont classés dans l’Annexe I de la Convention sur le commerce
international des espèces menacées d'extinction (CITES), qui
interdit leur commercialisation. Ce texte a été signé par plus
de 160 pays dans le monde.
Mais sur le terrain, leur statut d’animaux protégés
reste très théorique et n’empêche ni le braconnage, ni la
destruction de leur habitat. Leur territoire est souvent
difficile d’accès, ce qui complique les contrôles, d’autant que
les pays qui les abritent manquent de moyens financiers et sont
parfois le théâtre de conflits armés. Enfin, il est difficile
d’interdire la consommation de viande de singe quand les
populations locales souffrent d’une extrême pauvreté.
3.3 Mesures
Afin de
coordonner tous les efforts menés dans le monde en faveur des
grands singes, les Nations unies ont lancé, en 2001, le Grasp. Ce programme international regroupe les vingt-trois
pays africains et asiatiques où l’on trouve encore des
populations de grands singes en liberté, ainsi que des agences
de l’ONU et des organisations non gouvernementales.
Le Grasp sert à financer des actions de protection, d’étude des
animaux et de sensibilisation des populations locales, ainsi que
des actions vers l’élaboration des plans nationaux pour la
survie des grands singes. Les principaux bailleurs de fonds sont
des pays industrialisés comme la Grande-Bretagne, l’Irlande,
l’Allemagne et la Norvège, mais aussi les pays concernés. Selon
les experts du Grasp, un budget d’au moins 25 millions de
dollars serait nécessaire pour empêcher l’extinction et garantir
la survie de ces populations de grands singes.
Afin de faciliter la mise en oeuvre de plans nationaux pour la
sauvegarde des grands singes, le Programme des Nations unies
pour l’Environnement et l’Unesco préparent une déclaration
internationale qui devrait être signée en 2005 par les
différents états abritant des populations de grands singes en
liberté.
L’Unesco et l’Agence spatiale européenne ont lancé fin 2003 le
projet BeGO (Build Environment for Gorilla), qui permettra de
surveiller l’évolution de l’habitat des gorilles en Afrique
centrale grâce à des images satellitaires.
Parmi les « mesures clés » préconisées par les
acteurs de terrain, on peut citer le renforcement des moyens de
protection (formation des employés de parcs nationaux, des
douaniers…) et la limitation des activités qui menacent
l’habitat naturel des singes (exploitation minière, abattage des
arbres).
Le WWF a établi depuis 2002 un programme de
conservation sur les grands singes établis autour de six axes :
- Protection et gestion : Conservation de populations viables par
une meilleure protection et gestion.
- Soutien de la communauté : Augmenter le soutien public destiné
aux grands singes en réduisant le conflit humain –singe.
- Politique : Etablir des politiques de conservation, des
stratégies et des lois pour limiter le braconnage des singes et
la déforestation.
- Développement du savoir : Augmenter la capacité des états à
conserver et gérer les grands singes.
- Commerce : Réduire le commerce international illégal de grands
singes.
- Conscience : Faire prendre conscience au public du problème des
grands singes.
3.4 Résultats
En Afrique
centrale, la population de gorilles des montagnes recommence à
croître. En janvier 2004, on comptabilise 380 individus dans la
région des Monts Virunga, soit 17 % de plus que lors du dernier
recensement (1989).
C’est le résultat du travail mené par les équipes des trois
parcs nationaux qui couvrent la région : le parc des Virunga
(République démocratique du Congo), le parc des Volcans (Rwanda)
et le parc Mgahinga (Ouganda).
Dans cette zone, une surveillance rigoureuse menée depuis trente
ans – associée à une bonne coopération transfrontalière et à un
écotourisme maîtrisé – semble permettre la sauvegarde de
l’espèce. Ce résultat positif reste malgré tout précaire et
devra être confirmé.
4.
Conclusion
Il reste donc
beaucoup de travail à faire pour la conservation des grands
singes, que ce soit pour les gorilles détaillés ici que pour les
chimpanzés, bonobos ou orangs-outans.
La situation alarmante semble néanmoins provoquer une prise
de conscience internationale, et a engendré la création de
plusieurs programmes d’envergures internationales depuis le
début du 21ème siècle.
Mais seront-ils suffisants pour enrayer l’érosion de la
biodiversité des espèces de primates ?