Conservation des bois morts et des vieux arbres

Les arbres morts sont encore aujourd’hui considérés comme sans intérêt par de nombreuses personnes, des gestionnaires de forêts au public. Les propriétaires de forêts sont principalement défavorables aux bois mort car ils y voient une perte financière (quantité de bois qu’ils ne pourront pas vendre) ou encore un risque de sécurité de laisser des troncs qui peuvent tomber à tout moment. Quant au public, l’aspect péjoratif du bois mort au sol est expliqué par une sensation de désordre, de non entretien voire d’abandons de la zone. Pourtant les scientifiques sont unanimes sur ce point: les vieux arbres et les arbres morts appartiennent à un écosystème forestier en bonne santé, et leur présence est indispensable pour la sauvegarde de la biodiversité. En effet, un cinquième environ de la faune forestière est tributaire du bois mort : coléoptères, mousses, lichens – et près de 85% des champignons, dont le rôle écologique est fondamental. Chaque forêt contient du bois mort. Ce sont notamment les branches mortes ou les souches, mais aussi et surtout les très gros arbres morts, ou les vieux arbres qui atteindront un jour ou l’autre l’âge d’une mort naturelle. Aujourd’hui, plus de la moitié des coléoptères vivant dans le bois mort sont menacés, car pour certaines espèces d’insectes, franchir une distance de 50 m jusqu’à l’arbre mort le plus proche représente déjà une difficulté insurmontable. Si leur arbre-hôte est enlevé et qu’ils n’en trouvent pas un autre à proximité immédiate, leur population est condamnée à une extinction locale.

Intérêt de conserver du bois mort

Que ce soit dans les jardins, les parcs, les forêts, les haies, les arbres dépérissant ou morts sont trop souvent jugés inutiles, voire dangereux, susceptibles de propager parasites et maladies aux arbres sains. Dans un milieu équilibré, ce n’est pas le cas. Au contraire, ils représentent un maillon essentiel de l’écosystème, une phase de recyclage de la matière organique morte. Mais ils sont trop souvent détruits, ce qui a pour conséquence la raréfaction des nombreuses espèces qui en dépendent. Ce n’est pas un hasard si le Grand Capricorne, la Rosalie des Alpes, le Pique-prune ou le Lucane cerf-volant, qui vivent dans le bois mort ou pourri, bénéficient d’un statut de protection dans notre pays. Ils sont devenus aussi rares que les arbres morts dans notre environnement. De nombreuses espèces saproxyliques sont éteintes, parfois depuis longtemps. Parmi les espèces encore présentes, nombreuses sont celles en situation délicate d’un point de vue de leur conservation. Des espèces comme le Pic à dos blanc ou le Pic tridactyle ne sont connus en France que sur quelques stations. Pour l’Europe, Speight (1989) estime que 40% des espèces de coléoptères saproxyliques sont en danger sur une grande partie de leur aire. La majorité des autres sont en déclin. De plus, beaucoup de populations des espèces présentes sont réduites et fragmentées. L’absence d’insectes saproxyliques de certaines forêts récemment mises en réserve et comprenant une forte densité de vieux bois et bois mort pourrait indiquer que les forêts dotées d’une riche faune saproxylique sont devenues si rares, si éparses, si éloignées, que toute colonisation naturelle est devenue localement difficile ou impossible.

Rôle des bois morts dans l’écologie forestière

Les vieux arbres et les arbres morts ne sont pas seulement bénéfiques à la diversité des espèces. Ils sont aussi en mesure d’avantager la forêt en tant qu’écosystème et de profiter aux propriétaires forestiers. Dans les forêts de montagne, le rajeunissement naturel se fait beaucoup plus facilement sur du bois en décomposition que sur le sol, car le bois mort contient plus de substances nutritives et la lumière lui parvient mieux grâce à sa position surélevée. En outre, la neige y fond plus rapidement au printemps. Un bois mort qui se décompose lentement alimente constamment le sol de substances nutritives et d’humus, ce qui en maintient la productivité.

Les bois morts sont un compartiment fonctionnel permettant le stockage d’une énorme masse énergétique et du recyclage ininterrompu des nutriments dans l’écosystème (cycle géochimique des éléments du sol), et par conséquent du maintien de la productivité de l’écosystème. De plus, les insectes liés au bois mort, accélèrent le recyclage des matières organiques (gage de la fertilité des sols).

Rôle alimentaire des bois morts

Les bois morts sont également une source de nourriture pour de nombreuses espèces forestières, influant ainsi de façon directe sur la survie de groupes spécialisés comme par exemple les champignons et les invertébrés saproxylophages. Citons par exemple les xylophages (épixyliques ou saproxyliques), que ce soit les champignons lignivores initiaux, comme la pourriture blanche, ou les champignons saproxyliques (amadouviers) et les coléoptères saproxylophages. La quantité et la qualité (essence, niveau de décomposition) du bois mort sont indispensables pour le maintien de ces populations. Mais aussi les détritivores qui se nourrissent de matière organique évoluée (champignons, insectes, bactéries…), c’est-à-dire soit du bois mort très évolué soit des fonds de cavités.

Rôle des bois morts comme abris

Enfin le bois mort est aussi une source de micro-habitats variés pour une large biodiversité, en premier lieu par les abris formés par l’accumulation de bois au sol et les cavités aériennes. En effet, ces micro-habitats sont indispensables pour abriter des espèces aussi variées que les rongeurs, les bryophytes ou encore les chauves-souris ; ils sont aussi indispensables à la reproduction de nombreuses espèces d’oiseaux et d’insectes. Dans nos régions, on estime ainsi que 40% des oiseaux forestiers dépendent étroitement des cavités pour se reproduire (chouettes, gobe-mouches, grimpereaux, mésanges). On distingue deux types d’espèces cavicoles : celles comme les pics qui vont sculpter elles mêmes leurs cavités et celles qui vont utiliser des cavités existantes (cavicoles secondaires : chouettes, hiboux, canards, martinet, rollier, huppe, torcol, moineau, étourneau, mésanges, sitelle, grimpereaux, gobe-mouches, rouge-queue…). La plupart sont d’importants prédateurs des insectes défoliateurs. Les écureuils, la martre, la genette, les lérots et muscardins, occupent régulièrement des cavités de vieux arbres. Généralement les chances de trouver une cavité augmente avec le diamètre de l’arbre, et donc avec son âge. Il est donc important de maintenir quelques gros et vieux arbres vivants. Or ce sont les arbres manquants le plus dans nos forêts.

Rôle des insectes dans l’écologie forestière

Les premiers à coloniser les arbres dépérissant sont des insectes, en particulier des coléoptères comme les scolytes. Les trous qu’ils forent dans le bois aident à la pénétration de l’eau, des champignons et des micro-organismes. Les moisissures effectuent un travail indispensable de décomposition de la cellulose, rendant le bois pourri plus friable et plus facilement assimilable par de nombreux insectes. Les termites qui ne se nourrissent que de bois dépendent pour le digérer de bactéries présentes dans leur estomac. Les larves de ces insectes, véritables boudins de protéines, représentent une ressource alimentaire recherchée par des prédateurs et des parasites souvent spécialisés. Les pics par exemple s’en nourrissent presque exclusivement. Ils les extraient des troncs grâce à leur puissant bec capable de forer rapidement des trous. Les loges creusées par les pics pour nicher comme les trous qui se forment dans les arbres souvent élagués ou abîmés par la chute d’une grosse branche, sont utilisés comme abris par d’autres oiseaux (mésanges, sittelles, chouettes…), des mammifères (loir, lérot, chauve-souris…) ou des insectes (guêpes, frelons, abeilles, papillons…). Le terreau accumulé au fond nourrit d’autres espèces d’insectes, notamment des larves de cétoines. Parmi elles, le célèbre pique-prune, stoppeur d’autoroute qui fréquente les cavités des vieux chênes. Et les trous d’émergence des insectes sont colonisés par diverses espèces d’abeilles et de guêpes solitaires qui y établissent les cellules de leurs larves.

Conseils pour la gestion forestière

Arbres à cavités porteurs de champignons ou présentant une blessure importante

Avant d’abattre de tels arbres, il est important de vérifier que le cout d’exploitation est plus important que la valeur marchande. En effet, dans bien des cas, la valeur économique de ces arbres est relativement faible.

Inversement, leur valeur écologique est importante puisqu’ils jouent un rôle prépondérant pour les insectes ainsi que pour d’autres groupes d’animaux (mammifères, oiseaux….), de végétaux et de champignons. Les champignons saproxyliques constituent eux-mêmes pour certains insectes des micro-habitats à part entière.

Arbre isolé à gros et très gros volume

Lorsqu’un arbre isolé de grande taille ne représente pas de valeur commerciale et dont la présence n’est pas gênante pour l’exploitation forestière, il est recommandé de le laisser sur place. En effet, ce type d’arbres abrite la majorité des micro-habitats favorables aux insectes saproxylophages.

Groupes d’arbres à gros et très gros volume

Lorsqu’un groupe d’arbres de grandes tailles ne représente pas de valeur commerciale et dont la présence n’est pas gênante pour l’exploitation forestière, contribue comme les arbres isolés à la présence d’habitats et assure leur pérennité de part l’effectif plus important.

Cas des gros arbres sans valeur commerciale gênant pour la sylviculture

Si un arbre pose problème pour la sylviculture, il est préférable de remplacer l’abattage de l’arbre par son ceinturage. Ainsi la modification de l’éclairement est progressive. Les arbres qui meurent après l’opération augmentent le volume de bois mort sur pied, toujours plus rare que le bois mort au sol.

Maintien d’une mixité résineux – feuillus

La mixité favorise souvent la régénération et facilite la structuration des peuplements.

Effectuer les purges en forêt

Lors de la purge des bois débités, il est préférable que celle-ci se déroule en forêt plutôt qu’en bord de chemin ou de route. En effet, les restes participeront au volume de bois de la forêt.

Éviter de débiter les bois morts qui ne seront pas exploités

Dans la mesure où un arbre mort ne représente aucune gène ou aucun risque, il est fortement recommandé de le laisser tel quel et ainsi laisser les insectes saproxylophages se charger de la décomposition. En effet, les arbres morts sur pied abritent des espèces spécifiques qu’on ne retrouve pas sur les bois au sol, et sont donc indispensables au maintien de ces dernières. Il en est de même pour les chandelles qui abritent le même type d’espèces, et qui doivent être laissées tel quelles si elles ne représentent aucun danger.

Respecter les volumes de bois morts déjà présents

Les volumes de bois morts à un stade de décomposition avancée étant très rare dans la nature, il est indispensable d’éviter tout dérangement et toute destruction. Cette dernière pourrait conduire à la destruction de micro-habitats d’une importante capitale pour certaines espèces fragilisées.

A savoir

Dans les sites d’intérêt européen le bois mort peut constituer un habitat d’espèces en ZSC pour quelques chauves-souris et insectes saproxyliques (Grand Capricorne, Lucane Cerf-volant, Rosalie des Alpes, Taupin violacé, Pique-prune), de même qu’il peut abriter les Pics Cendré, Mar et Noir en ZPS. Les Contrats Natura 2000 sur 30 ans prévoient une indemnité pour le maintien sur pied d’arbres sénescents.

Questions fréquemment posées

Je souhaite laisser des vieux arbres pour la faune, quel type d’arbre dois je choisir ?

Il est préférable de laisser en priorité des arbres dont le diamètre est supérieur à 35 cm, et présentant une ou plusieurs cavités et fissures. Ils peuvent soit être répartis de manière homogène au sein d’un massif, soit se présenter sous forme d’ilôts de vieyx arbres ou enfin être isolés.

Les insectes saproxylophages, favorisés par les bois morts, ne risquent t’ils pas de s’attaquer au bois sain et de réduire ma production ?

Sauf rares cas connus (essentiellement sur Epicéa commun et Pin maritime), le maintien des bois dépérissants et morts ne favorise pas la prolifération d’insectes déprédateurs. En effet, les espèces qui colonisent les arbres morts sont différentes de celles qui se développent sur les arbres vivants. Au contraire, les bois morts abritent tout un ensemble de prédateurs et de parasitoïdes qui contribuent au contrôle des populations d’insectes potentiellement dangereux pour les peuplements,

N’est pas ce risqué pour le public en cas de chute ?

Il est très fortement recommandé de ne pas laisser d’arbres morts dans des lieux fréquentés par le public et sur les bords de chemins pour éviter tout accident.

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