Impact des rats introduits sur les oiseaux marins

Les oiseaux marins jouent un rôle important dans le fonctionnement des environnements terrestres, marins et intertidaux parce qu’ils recherchent de la nourriture dans tous les océans du monde, ils consomment environ 7% de la productivité primaire des océans et sont une source de nourriture pour d’autres espèces marines et terrestres. Sur terre et près des côtes, le guano des oiseaux marins joue un rôle dans la fertilisation et l’amélioration de la productivité primaire locale. Par conséquent, la conservation des oiseaux marins et de leurs habitats est importante pour le maintien de la biodiversité mondiale et des services clés rendus à l’écosystème.

Étant donné le rôle important joué par les oiseaux marins dans le fonctionnement des écosystèmes marins, la menace pensant sur ces oiseaux est considérée comme préoccupante. Sur les 328 espèces d’oiseaux marins actuellement connues, 102 sont menacées ou en voie d’extinction et 5 sont éteintes dans la nature. Les espèces envahissantes sont considérées comme l’une des principales menaces pour la persistance des colonies d’oiseaux marins.

Parmi ces espèces envahissantes, les rats (et notamment Rattus rattus et Rattus norvegicus) sont l’espèce envahissante qui a le plus grand impact sur les oiseaux marins parce qu’ils sont présents sur plus de 90% des îles et dans tous les habitats occupés par les oiseaux, à l’exclusion des latitudes les plus élevées. Outre l’impact sur les oiseaux marins, les rats peuvent impact les plantes, les invertébrés, les reptiles, les mammifères et les oiseaux terrestres. Les rats arrivent à coloniser avec succès de nouveaux milieux grâce à leur stratégie d’alimentation généraliste et leur haute capacité d’adaptation à de nouveaux environnements. Cette stratégie permet aux rats de prédater les oiseaux marins, et de compléter leur alimentation avec d’autres espèces lorsque les oiseaux sont absents. Ils sont des prédateurs non seulement pour les œufs, les poussins mais aussi les adultes. L’éradication des rats sur les îles concernées semblent par conséquent être la solution la plus efficace pour lutter contre cet impact.

Historique de l’introduction des rats

La première espèce de rat introduite serait le Rat noir (Rattus rattus) sur des îles Méditerranéennes, entre 5500 et 8000 ans BP. Par la suite le Rat polynésien (Rattus exulans) a été introduit dans les îles du Pacifique entre l’Inde et la Malaisie, il y a près de 3000 ans. C’est plus récemment (il y a 950 ans) que cette dernière espèce a été introduite sur la plupart des îles du Pacifique comme la Nouvelle-Zélande, Hawaï…

La majorité des invasions a toutefois eu lieu entre le 16ème et le 17ème siècle lorsque les explorateurs européens ont visité (et permis l’introduction) les îles des océans Atlantique et Indien. Au 17ième siècle, le Rat brun (Rattus norvegicus) a colonisé l’Europe de l’Ouest en repoussant le Rat noir, et est devenu l’espèce dominante dans les constructions européennes, orientales et des ports d’Amérique du Nord. Le Rat brun a ainsi pris la place du Rat noir à bord des navires et envahi les îles au cours du 17ème et 18ème. C’est ainsi que certaines îles de l’Océan Atlantique et Indien ont deux espèces de rats et de l’Océan Pacifique ont trois espèces de rats.

Impact sur les oiseaux marins

Étant donné les moyens de conservation limités et l’occupation de milliers d’iles par les rats, il est nécessaire de hiérarchiser les priorités d’intervention. Cette hiérarchisation dépendra notamment des espèces menacées, du coût d’éradication, des avantages sur la faune et la flore mais devra prendre également en compte les probabilités de réinvasion.

Une étude a permis de montrer que les familles d’oiseaux marins les plus affectés par les rats seraient les Hydrobatidés et les Alcidés (pesant 300 g ou moins), ceux qui ont l’ensemble de leur stade de vie prédatés par les rats, ceux qui nichent dans des terriers et ceux qui sont exposés aux rats noirs (Rattus rattus). Les oiseaux marins qui répondent à tout ou partie de ces critères sont menacés à court terme de disparaitre si les rats occupent les îles où ils sont présents ou sont menacés de l’être si les rats les envahissent.

Les petits oiseaux nichant dans les terriers et les crevasses pourraient être les plus vulnérables à la prédation des rats. La même étude que précédemment confirme d’ailleurs cet élément en avançant les chiffres d’impact du rat de l’ordre de 49% pour le plus petit oiseau marin étudié alors que l’impact serait de 7% pour le plus gros. Ainsi en Méditerranée, une espèce telle que l’Océanite tempête (Hydrobates pelagicus, moins de 30g) n’est présente que sur les îles inoccupées par les rats alors qu’une espèce comme le Goéland leucophée (Larus michahellis) est présente avec plusieurs dizaines de milliers d’individus sur des îles occupées par les rats. Ce phénomène appuierai la constatation que les petits oiseaux nicheurs en crevasse seraient plus impactés que les gros oiseaux nicheurs au sol. L’impact des rats pourrait de plus être moins important sur les oiseaux ayant des œufs plus lourd et plus épais, et une période d’incubation plus courte. Toutefois ces éléments restent encore à démontrer.

L’impact des rats sur les oiseaux marins est susceptible de varier en fonction de l’espèce concernée. Ainsi le Rat noir (Rattus rattus) serait responsable de l’impact le plus important sur l’avifaune tandis que le Rat du pacifique (Rattus exulans) aurait un impact comparativement moindre. Toutefois si on s’attache à considérer uniquement le nombre d’espèces d’oiseaux marins, c’est le Rat brun (Rattus norvegicus) qui aurait l’impact le plus important sur ces derniers devant le Rat noir et enfin le Rat du pacifique. Si on considère la répartition de ces espèces (en fonction de la répartition des oiseaux marins), c’est le Rat du pacifique qui serait susceptible d’avoir un impact plus important de part sa répartition plus importante selon une étude ancienne, alors qu’une étude plus récente laisserait penser le contraire avec un impact plus important pour le Rat noir.

Les résultats d’une étude suggèrent que la prédation des oiseaux marins par les marins serait indépendante de la date d’introduction des rats sur l’île. Plusieurs données montrent ainsi une coexistence des rats avec les oiseaux durant plus centaines d’années voire un millénaire.

Les oiseaux marins situés entre les latitudes 15°N et 20°S pourraient être moins affectés par la prédation des rats du fait de leur coexistence avec les crabes terrestres. Ces derniers effectuent également une prédation sur les oiseaux marins qui ont du s’adapter à cette dernière. En raison de cette adaptation, les oiseaux seraient par conséquent en mesure de mieux faire face à la prédation par le rat noir. En effet, l’impact des espèces envahissantes en milieu insulaire est souvent aggravé par la naïveté des espèces insulaires face à des prédateurs introduits pour lesquels elles n’avaient développé aucun système de défense, n’ayant jusque la jamais été confrontées à de la prédation. De même, les oiseaux marins ayant coévolué avec des espèces de rat (non envahissant) serait plus à même de s’adapter à la présence d’espèces de rats envahissantes

L’impact de la prédation des rats pourrait varier en fonction de la saison de reproduction des oiseaux marins. Ainsi, si le cycle de reproduction a lieu à une période où les autres ressources alimentaires pour le rat sont faibles, la prédation par le rat est susceptible d’être très importante. De même, les îles abritant plusieurs espèces d’oiseaux marins ayant un cycle de reproduction réparti sur l’année, pourrait abriter une densité de rats plus importante et ainsi avoir un impact fort sur ces espèces. Ce phénomène peut notamment être présent chez les oiseaux marins tropicaux qui ont une reproduction asynchrone. Toutefois chez ces derniers, la plus grande disponibilité d’autres sources de nourriture sur les îles tropicales pourraient réduire l’impact des rats.

Des recherches doivent encore être menées pour améliorer les connaissances de l’impact des rats sur certaines familles d’oiseaux marins dont les données sont encore insuffisantes comme les Pelecanidae, Phalacrocoracidae, Spheniscidae, Fregatidae, Sulidae, Pelecanoididae, Phaethontidae, et Diomedeidae .

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