La crise d’extinction de la biodiversité est expliquée dans la grande majorité des cas par les cinq principales menaces que sont la fragmentation des habitats, les invasions biologiques, la surexploitation des ressources, la pollution et le réchauffement climatique.
Pourtant, une autre menace tend à devenir de plus en plus importante voire critique pour certaines espèces en danger, à savoir celles des maladies infectieuses.
Un grand nombre de maladies ont émergé récemment, qu’elles concernent la faune sauvage et/ou l’humain. La diversité et l’augmentation du nombre de maladies peuvent poser un problème pour la conservation de la biodiversité. Et pourtant, ces dernières ne sont rarement considérées comme des facteurs pouvant conduire une espèce à l’extinction.
Ce manque de considération peut être expliqué en partie par le peu d’informations en notre possession sur les maladies et leurs conséquences, mais également par le faible nombre de cas historique (et donc le peu de référence). Ainsi, selon l’IUCN, sur les 833 espèces animales connues qui se sont éteintes au cours des 500 dernières années, seules 3,7 % d’entres elles l’ont été (au moins en partie) à cause d’une maladie infectieuse. Actuellement, sur les 2852 espèces vivantes (faune et flore) listées comme en danger critique, seules 8 % sont menacées par des maladies infectieuses. Sur les 24 % des mammifères connus qui sont menacés d’extinction, les maladies infectieuses sont considérées comme une cause majeure d’extinction chez seulement 1,1% d’entre eux.
Des modèles mathématiques ont été développés pour avoir une meilleure compréhension de l’impact des maladies infectieuses sur les populations. Sans altération extérieure (anthropique par exemple), les agents pathogènes ne devraient pas conduire à l’extinction les espèces hôtes lorsque leur transmission est dépendante de la densité (c’est-à-dire lorsque la probabilité de transmission augmente avec la densité d’accueil). En effet, la persistance de leurs hôtes est essentielle à la persistance des maladies. Les agents pathogènes disparaitront automatiquement avant leurs hôtes, car ils conduiront ces derniers en dessous d’un seuil critique pour le maintien des agents pathogènes. Toutefois il existe plusieurs cas où les agents pathogènes sont susceptibles de provoquer une extinction.
L‘ampleur des changements environnementaux au cours des dernières décennies est susceptible d’augmenter l’émergence de maladies infectieuses chez les humains mais aussi chez les animaux sauvages, en modifiant la physiologie des organismes hôtes et des agents pathogènes, et par des effets indirects en modifiant les interactions entre les espèces.
Beaucoup de maladies infectieuses émergentes sont à l’origine des activités humaines qui leur permettent leur développement dans de nouvelles niches écologiques ou qui modifient l’environnement facilitant ainsi leur création ou leur transmission. Ces facteurs responsables de l’émergence de maladies sont en autres les principaux facteurs responsables de la perte de biodiversité : la fragmentation des habitats, les invasions biologiques, la surexploitation des ressources, la pollution et le réchauffement climatique.
La dégradation et la perte des habitats sont considérés comme la cause majeure de la perte de la biodiversité. Par exemple, 85 % des espèces menacées aux Etats-Unis le sont par la perte d’habitat. Les principales causes sont notamment l’agriculture, l’urbanisation et le développement des infrastructures (routières, ferroviaires…). Les espèces les plus menacée sont en autres celles qui ont une aire de répartition restreinte et une distribution inégale au sein de leur aire de distribution.
L’importance de la menace des maladies infectieuses sur les espèces menacées devraient augmenter avec la diminution de la taille et de la qualité des habitats. Ceci s’explique par le fait que la fragmentation et la perte d’habitats vont restreindre le mouvement et la dispersion des espèces, et par conséquent augmenter le taux de contact entre les individus et à terme la propagation de la maladie. Par exemple, les populations de mouflons ont souffert de la fragmentation des milieux qui ont provoqué la réduction de la taille de la population locale et, dans ces troupeaux, les épidémies de maladies infectieuses sont susceptibles de provoquer l’extinction. La plus importante population de mouflons d’Amérique, au Nouveau-Mexique (> 200 individus en 1978) a été réduite à 25 individus en 1989, puis à un seul en 1997 en raison d’une grave épidémie de gale, de la sécheresse et de la prédation.
Au cours du 20ème siècle, la température de surface moyenne à l’échelle mondiale a augmenté d’environ 0,6°C dont près des deux tiers de cette augmentation s’est produite au cours des 25 dernières années. Les prévisions des climatologues pour le siècle à venir indiquent un réchauffement de la planète, une modification dans le régime des précipitations et la variabilité climatique. Ces effets peuvent par conséquent être une menace majeure pour les organismes vivants, affectant directement les espèces ou modifiant leurs habitats.
Les changements climatiques à l’échelle régionale ou locale peuvent provoquer de manière directe ou indirecte une modification du taux de survie et de transmission des agents pathogènes, et la réceptivité de l’hôte. Ils peuvent également provoquer une modification de l’abondance et de la répartition des agents pathogènes et de leurs vecteurs. Des maladies comme la dengue ou le paludisme pourraient se propager de façon spectaculaire, suite à l’augmentation des températures qui conduisent à un taux de reproduction des agents pathogènes plus élevé et un temps de maturité plus rapide, mais également l’augmentation de la répartition géographique et de la fréquence des vecteurs comme le moustique.
Les interactions entre l’Homme, les animaux domestiques et les animaux sauvages sont courantes et peuvent entraîner la propagation d’agents pathogènes entre les espèces. Ces interactions se traduisent généralement par la transmission de microparasites de la faune domestique à la faune sauvage, et dans de nombreux cas ces agents pathogènes ont des effets dramatiques sur la faune sauvage. Ainsi plus de 80 % des agents pathogènes de la faune domestique peuvent affecter la faune sauvage.
Etant donné que les agents pathogènes sont plus susceptibles d’être transmis à des hôtes étroitement liés, les espèces de mammifères menacés les plus touchées par les maladies infectieuses sont les carnivores et les artiodactyles, c’est-à-dire les espèces les plus étroitement liées à l’homme. En revanche, aucune espèce de chauve souris et une seule espèce de rongeur n’ont été identifiés par l’IUCN comme menacé par des agents pathogènes. Ces informations suggèrent par conséquent que les animaux domestiques peuvent être une prédisposition aux maladies conduisant à l’extinction.
La plupart des agents pathogènes identifiés comme entraînant une baisse des effectifs d’espèces menacées sont bien connues. Il s’agit notamment de maladies telles que la peste bovine, la rage, l’anthrax et la toxoplasmose. Ce sont tous des parasites avec un temps de génération court, un taux de mutation élevé et une large gamme d’hôtes. Plus de 70 % des virus identifiés comme agents de maladies responsables d’extinction, sont des virus à ARN qui ont un taux de mutation important et un potentiel d’évolution élevé. Ainsi ils pourraient tous infecter plusieurs espèces d’hôtes, voire plusieurs ordres et dans certains cas des non mammifères.
Les animaux domestiques étant distribués à l’échelle mondiale et maintenus dans des densités importantes, ils peuvent agir comme des réservoirs de pathogènes qu’ils partagent ensuite avec la faune sauvage. Les animaux domestiques ont conduit à la baisse des effectifs de nombreuses espèces animales sauvages. Bien que certaines espèces puissent récupérer des effets négatifs causés par une maladie infectieuse, d’autres déjà fragilisés par d’autres facteurs et qui possèdent des effectifs de petite taille pourraient être conduites jusqu’à l’extinction.
La surexploitation des ressources est un des principaux facteurs affectant la conservation des espèces dans le monde et notamment dans les hotspots de biodiversité qui sont souvent situés dans des zones abritant des populations pauvres et souffrant de malnutrition. Ces dernières comptent donc sur la faune pour leur subsistance. Les espèces de grande taille et ayant un taux de reproduction lent sont particulièrement sensible à l’extinction causée par la surexploitation.
La chasse a ainsi considérablement appauvri les populations de plusieurs espèces en Afrique. La réduction des effectifs et l’augmentation du contact avec l’homme a rendu ces populations plus fragiles aux maladies infectieuses.
Récemment, une baisse de 50% des populations de gorilles et de chimpanzés a été documentée en Afrique centrale suite à la chasse notamment. Et près de la moitié d’une population de chimpanzés de Côte d’ivoire a été décimée au cours de deux épidémies en 1992 et 1994.
L’augmentation de l‘aquaculture pour compenser la demande en protéines de poisson peut aussi être une menace pour les populations sauvages. En effet, l’élevage peut être responsable de la propagation de maladies infectieuses des élevages de poisson dans le milieu naturel.
Il existe de nombreuses voies par lesquelles les espèces non indigènes peuvent introduire des agents pathogènes dans de nouvelles régions mais celle qui apparait comme la plus importante est certainement celle du commerce mondial des animaux sauvages. Selon des estimations, plusieurs milliards d’animaux vivants sont commercialisés chaque année dans le monde. Le commerce international a facilité l’introduction d’espèces non indigènes dans de nouvelles régions où elles sont en concurrence avec des espèces indigènes pour les ressources, où elles modifient les habitats, causent des dommages aux infrastructures, détruisent les cultures et provoquent l’introduction d’agents pathogènes qui menacent la biodiversité, la santé publique et les cultures.
Le succès de l’introduction des espèces a été attribué en partie à libération d’agents pathogènes qui régulent les populations natives. Ces nouveaux agents pathogènes peuvent provoquer des baisses dramatiques des effectifs des populations locales indigènes, une modification de la dynamique et de la répartition des espèces natives.
La poursuite du brassage des espèces mondiales par importation et exportation liées aux activités humaines peuvent ainsi contribuer à la perte de diversité biologique par l’introduction de nouvelles maladies infectieuses, potentiellement à haut risque. Les espèces invasives sont adaptées et présentent des moyens de défenses contre ses agents pathogènes. Agents qui sont inconnus des espèces locales jusqu’à leur introduction et qui faciliteront ainsi indirectement la propagation des espèces invasives par réduction des effectifs et fragilisation des espèces locales.
L’accumulation de polluants dans les milieux naturels a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Plus de 1500 espèces animales sont ainsi menacée de nos jours par la pollution. La plupart de ces espèces sont des amphibiens avec 696 espèces menacées dont 20 % d’entre elles sont en danger critique d’extinction. Les polluants peuvent causer une altération du système immunitaire. Par exemple, les organochlorés sont connus pour diminuer l’efficacité du système immunitaire et cellulaire. Cette baisse d’efficacité du système immunitaire rend les animaux plus vulnérables à l’infection par des agents pathogènes comme les virus et les bactéries. L’exposition des amphibiens et des oiseaux (par exemple) aux métaux, pesticides et herbicides provoque également une diminution de l’immunocompétence, et donc de la résistance aux virus.
La réduction de l’impact des agents pathogènes sur la faune sauvage passe par une meilleure collaboration entre les organismes de conservation et les vétérinaires afin d’établir des stratégies de contrôle visant à réduire la transmission inter-espèces d’agents pathogènes à haut risque, soit par la vaccination soit en limitant le contact des animaux sauvages avec les animaux domestiques.
Dans le cas de grande épidémie, la généralisation des vaccins sur les animaux domestiques devraient réduire la transmission des maladies mortelles à la faune locale menacée. Etant donné que de nombreux agents pathogènes sont transmis par contact étroit entre les individus, la construction de barrières physiques entre les élevages d’animaux domestiques et la faune sauvage pourraient réduire le potentiel de transmission des agents pathogènes.
Les programmes visant à réduire la transmission des maladies par la vaccination ou en limitant le contact avec les animaux domestiques pourraient considérablement réduire la mortalité des espèces en danger liées aux maladies infectieuses. Malheureusement peu de programmes de conservation ont mis en place de genre de plan, étant donné notamment que nous disposons encore de peu de données pour évaluer les risques des maladies sur les populations sauvages et également parce que ce genre d’opérations sont couteuses et dans de nombreux cas quasi irréalisable d’un point de vue logistique.
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