Les montagnes d’Asie centrale : biodiversité, menaces, et conservation

Les écosystèmes du hotspot varie du glacier au désert, et comprennent une forêt très menacé de noyer, unique à cette région, qui contient des variétés anciennes de fruits domestiques et est un important réservoir de diversité génétique. Le hotspot est aussi le foyer d’une riche variété d’ongulés, comme le mouflon sauvage.

Les montagnes d’Asie centrale hotspot se compose de deux grandes chaînes de montagnes, le Pamir et le Tian Shan. Ce hotspot s’étale sur une superficie de 860 000 km² et comprend le sud du Kazakhstan, la plupart du Kirghizistan et du Tadjikistan, l’est de l’Ouzbékistan, l’ouest de la Chine, le nord de l’Afghanistan, et une petite partie du Turkménistan. Il est composé de beaucoup de montagnes situées au dessus de 650 m d’altitude, ainsi que de gands bassins désertiques (dont le plus grande est la vallée de Fergana). Le stress hydrique et les conflits civils dans la région sont une menace importante pour les nombreuses espèces de plantes endémiques de la région.

La chaîne de montagnes du Pamir est composée du Pamir de l’Est, du Pamir de l’Ouest et de la montagne du Pamir-Alai. Le Pamir de l’Est est constitué de plateau avec peu de variation d’altitude, alors que le Pamir de l’Ouest est composé de crêtes, de pentes abruptes et de profondes vallées et gorges. Le pic le plus élevée du hotspot est le Kongur, culminant à 7719 mètres dans le Pamir chinois, quatre autres sommets sont au-dessus de 7000 mètres. Les 300 km de long sur 150 km de large de la vallée de Fergana séparent le Pamir des montagnes du Tien Shan. Le hotspot abrite également plus de 20000 glaciers, couvrant environ 18000 km².

Le climat dans les montagnes de l’Asie centrale est généralement aride. Les précipitations tombent principalement en hiver et au printemps, et varie de plus de 1500 millimètres dans le Gissar à l’ouest à moins de 100 millimètres dans l’est du Pamir.

Les principaux types de végétation présents sont le désert, le semi-désert et la steppe sur toutes les pentes et les contreforts et dans certains grands bassins. Des patchs de forêts survivent dans la vallée de l’Ili. A des altitudes plus élevées, les steppes sont dominées par diverses espèces de graminées et d’herbes. Les forêts d’Epicea, le seul type de forêts de conifères dans le hotspot, est présent dans le versant nord, humide, du Tien Shan. Les alpages subalpins et alpins sont présents dans la partie occidentalle des montagnes, de 2000 à 4000 m, voire plus. A une très haute altitude et au froid, le couvert végétal et la diversité est faible avec des plantes en coussinet et une végétation de type toundra.

Biodiversité

Flore

La flore des montagnes de l’Asie centrale est un mélange d’éléments provenant de la forêt boréale, de Sibérie, de Mongolie, et de l’Himalaya. Il y a plus de 5500 espèces connues de plantes vasculaires dans le hotspot, environ 1500 d’entre elles sont endémiques. Il y a également 64 genres endémiques, dont 21 de la famille des ombellifères et 12 de la famille des composées. La flore endémique comprend plusieurs espèces d’arbres, de graminées (comme Atraphaxis muschketovii et Stipa karatavica), et de nombreuses herbes.

Une forêt unique de noyers peut être trouvée en Asie centrale au-dessus de la zone de steppe chaude abritée à l’ouest du Pamir-Alai et du Tien Shan. Les arbres présents dans cette forêt sont le noyer (Juglans regia), l’amandier (Amygdalus communis et Amygdalus bucharensis), le poirier (Pyrus korshinskyi et Pyrus regelii), le prunier (Prunus sogdiana et Prunus ferganica), et le cerisier (Cerasus mahaleb), ainsi que les érables (Acer turkestanicum et Acer semenovii) et un peu de noyer Chinois (Juglans cathayana) qui survivent dans l’est de Tien Shan. Ce type de forêt ancienne contient des ancêtres des variétés de fruits domestiques et est un important réservoir de diversité génétique sauvage. Environ 90% de cet habitat a été perdu au cours des 50 dernières années.

Plus de 16 espèces endémiques de tulipes poussent dans la steppe et les zones de prairie de la montagne de l’Asie centrale. La plus grande d’entre elles est rare, une tulipe brillante de couleur orange –rouge, la tulipe de Greig (Tulipa Greigii), souvent appelé la reine des tulipes, qui ne se trouve que dans l’ouest du Tien Shan. La collecte pour l’horticulture et la décoration a conduit au déclin d’un grand nombre d’espèces de tulipes du hotspot.

Faune

Oiseaux

Près de 500 espèces d’oiseaux se reproduisent dans le hotspot mais aucune d’entre elle n’est endémique de la région. De nombreuses espèces appartiennent à des genres rencontrés couramment dans la région asiatique comme le rouge-queue (Phoenicurus), l’accentueur (Prunella) ou le roselin (Carpodacus). Les forêts de conifères du nord du Tien Shan forment la limite sud de la répartition de plusieurs espèces de la forêt boréale comme le tétras-lyre (Lyrurus tetrix) ou la chouette épervière (Surnia ulula), et des espèces du désert, comme la grande outarde (Otis tarda, VU) et l’outarde houbara (Chlamydotis undulata, VU) dans les zones de basse altitude.

Les montagnes d’Asie centrale sont un bastion important pour les oiseaux de proie, avec d’importantes populations reproductrices de plusieurs espèces, dont l’aigle royal (Aquila chrysaetos), l’aigle impérial (Aquila heliaca, TI), l’aigle des steppes (Aquila rapax), l’aigle botté (Hieraaetus pennatus), le gypaète barbu (Gypaetus barbatus), le vautour moine (Aegypius monachus), le vautour fauve (Gyps fulvus), le vautour de l’Himalaya (Gyps himalayensis), le faucon pèlerin (Falco peregrinus) et le faucon sacré (Falco cherrug, EN).

Mammifères

On retrouve 140 espèces de mammifères dans le hotspot dont six sont endémiques : la Marmotte de Menzibier (Marmota menzbieri) que l’on retrouve uniquement dans l’ouest du Tien Shan à plus de 2000m d’altitude, le Pika ili (Ochotona iliensis, VU) qui est un petit lagomorphe présent dans la partie chinoise du Tien Shan, deux espèces d’écureuils terrestres (Spermophilus Ralli et Spermophilus relictus), la musaraigne de Pamir (Sorex bucharensis) et une espèce de campagnol (Ellobius alaicus, EN), qui est connu seulement dans le sud du Kirghizistan dans la montagne de l’Alai.

On retrouve également dans la région une variété d’ongulés de montagne, incluant trois sous espèces endémiques de mouflon (Ovis ammon, VU) dontl’Argali de Marco Polo (Ovis ammon polii) une espèce très chassée pour ses cornes. Le Bouquetin de Sibérie (Capra sibirica) est l’espèce la plus répandue et la plus nombreuse, elle est présente sur toutes les régions au dessus de la limite des arbres, tandis que le grand bharal (Pseudois nayaur) une espèce transhimalayenne.

L’antilope de Saïga (Saiga tatarica, CR), une espèce associée aux plaines de l’Asie centrale, vit dans les faibles altitudes du hotspot. L’espèce a connu une baisse spectaculaire de ses effectifs depuis les années 1970 en raison de la destruction des habitats et de la chasse.

En raison de leur emplacement dans la partie centrale du continent asiatique, les montagnes d’Asie centrale jouent un rôle de corridor dans la distribution de plusieurs espèces de montagne d’Asie. Une des espèces la plus connue est le léopard des neiges (Uncia uncia, EN), présent dans l’espace alpin et subalpin du hotspot. Les effectifs de l’espèce ont diminué en raison du braconnage pour sa fourrure et de l’épuisement de ses proies à cause de la chasse illégale.

Reptiles

On trouve près de 60 espèces de reptiles dans le hotspot, dont une seule endémique l’Asymblepharus alaicus. Les zones de basses altitudes et désertiques sont les plus diversifiées. Il ya dix espèces de lézards du genre Eremias et huit espèces d’agames (Phrynocephalus spp.).

Amphibiens

Seulement sept espèces d’amphibiens ont été répertoriés, quatre d’entre eux sont endémiques dont une espèce de salamandre (Ranodon sibiricus, EN) présente à l’extrémité nord du Tien Shan. Une espèce de grenouille décrite récemment (Rana terentievi) n’est connue que dans le sud du Tadjikistan.

Poissons d’eau douce

De part sa spécificité aride, ce hotspot n’abrite que 30 espèces de poissons d’eau douce, dont cinq sont endémiques. L’endémisme est centré dans la région du lac Issyk-Kul au Kirghizistan. En outre, les poissons aveugles de la grotte du Kugitang (Troglocobitis starostini) se trouvent uniquement dans une petite zone de la montagne du Kugitang au sud-ouest du hotspot.

Invertébrés

Un inventaire exhaustif des invertébrés du hotspot n’a pas été réalisé, toutefois il existe une riche diversité d’insectes dans les alpages. Onze des 26 espèces de papillons Apollo connue dans ce hotspot sont endémiques. Il ya également 87 mollusques endémiques, y compris la palourde Kokand d’eau douce (Colletopterum kokandicum), qui se limite à un lac dans la vallée de Fergana.

Menaces écologiques

Les montagnes d’Asie centrale ont longtemps été exploitées pour le pâturage, l’alimentation, le bois et le carburant. Ces dernières décennies, une augmentation constante de la population humaine (20 millions de personnes actuellement) et du bétail domestique, ainsi que le besoin de terres et de ressources, a transformé l’activité humaine en activité non durable dans de nombreux domaines. Cette situation a été aggravée au cours des 10-15 dernières années par les changements politiques et économiques dans les pays de l’ex-Union soviétique. La destruction de l’habitat, le surpâturage, la chasse non réglementée et la collecte d’animaux et de plantes sont apparus comme les trois principales menaces, et se poursuivent encore aujourd’hui de sorte que seulement 20%, environ, de habitat reste en parfait état.

La quasi-totalité des terres de la plaine désertique et du contrebas des montagnes a été convertie à l’agriculture. Le charbon et les autres combustibles étant devenus inaccessibles, l’abattage des arbres et arbustes pour le carburant et les matériaux de construction a augmenté. Ceci, combiné avec les feux de forêt, a considérablement réduit la superficie de ces habitats, en particulier au niveau des steppes arbustives et des forêts fruitières. A titre d’exemple, entre 1995 et 1998, plus de 4 500 km² de forêt au Kazakhstan ont été perdue en raison des incendies. L’expansion de l’homme, la construction de routes et autres infrastructures, des installations récréatives, l’exploitation minière et les autres activités économiques ont également contribué à la destruction de l’habitat et à la fragmentation.

De nombreuses zones ont été touchées par le surpâturage, du à l’augmentation du nombre de bêtes au cours des dernières années. Cela est particulièrement le cas dans les contreforts et les basses pentes, ainsi que dans les prairies subalpines.

Depuis l’éclatement de l’ex-Union soviétique, le braconnage, en particulier des gros mammifères et des oiseaux, a fortement augmenté. Les ongulés de montagne sont de plus en plus perçus comme une source de nourriture. Le nombre de léopard des neiges au Kirghizistan a diminué de 75% au cours des années 1990, suite à la pression de chasse sur l’espèce et ses proies. De même les faucons sont capturés et exportés vers le Moyen-Orient, où ils sont revendus à un prix élevé aux fauconniers. La collection des plantes, non règlementées, pose aussi un problème pour les espèces indigènes : les crocus et les tulipes ont disparu ou sont devenus très rares dans plusieurs aires.

Les autres menaces présentes sont notamment les impacts de la guerre civile au Tadjikistan dans les années 1990 et la récente guerre en Afghanistan, ainsi que la présence de champs de mines le long de frontières internationales, qui constituent une menace pour les grands animaux. La construction de réservoirs et la mise en place de l’irrigation ont perturbé l’approvisionnement en eau, et de nombreuses zones humides ont été drainées pour l’agriculture. La surpêche et l’introduction d’espèces exotiques menacent également les écosystèmes d’eau douce.

Enfin, les effets à long terme du réchauffement de la planète constituent une menace pour l’environnement des montagnes d’Asie centrale. Il est estimé que les glaciers dans la région ont diminué de près de 20% dans les 30-35 dernières années, et à long terme des effets déstabilisateurs de la fonte des pentes supérieures congelés pourraient conduire au déclin ou la disparition de nombreux taxons de montagne dans le hotspot

Mesures de conservation

Au total, seulement sept 7% du hotspot est soumis à une forme de protection officielle, dans les réserves naturelles ou d’autres zones protégées. Bien que la quasi-totalité des zones protégées appartiennent aux catégories de I à IV de l’UICN, de nombreuses réserves sont petites et isolées et ne sont pas encore pleinement opérationnelles. Depuis l’éclatement de l’ex-Union soviétique, il ya eu une baisse dramatique du financement, des patrouilles et des autres activités de gestion dans les aires protégées dans cette région.

La plus petite zone protégée du hotspot est de 11 hectares, c’est la réserve naturelle chinoise de Walnut, tandis que le Parc national du Pamir au Tadjikistan et la réserve naturelle de Taxkorgan en Chine couvrent 15000 km². D’autres grandes zones protégées sont présentes comme la Réserve de biosphère d’Issyk-Kul (6298 km²) au Kirghizistan, la réserve naturelle de Tomur (1000 km²) et Réserve de biosphère de Boghdad (1000 km ²), tant dans le secteur chinois que du Tien Shan. Parmi les autres réserves dans les pays de l’ex-Union soviétique, on trouve notamment l’Aksu-Dzhebagly dans l’ouest du Tien Shan, le Sary-Chelek au Kirghizistan, et la Réserve naturelle intégrale du Kugitang au Turkménistan.

Les crêtes de montagne servent souvent de frontières internationales, il est donc nécessaire de créer des réserves transfrontalières afin de protéger pleinement les écosystèmes de montagne. La coopération régionale entre les pays de l’ex-Union soviétique a augmenté et un programme (Central Asian Mountain Information Network and a Regional Red List) une montagne a été mis en place pour coordonner les évaluations et mettre en place une base de données sur les espèces menacées.

De nombreux bailleurs de fonds internationaux sont impliqués dans la région, y compris le Fonds pour l’environnement mondial. WWF et Faune and Flora International sont également actifs dans la région. L’International Snow Leopard Trust et le NABU, une organisation allemande de conservation de la nature, travaillent sur la conservation du léopard des neiges au Kirghizistan. Les gouvernements Suisse et du Kirghizistan travaillent de concert pour gérer les forêts de noyer restantes au Kirghizistan, et l’Université de Berne a mis sur pied un programme visant à promouvoir l’utilisation durable des pâturages en Asie centrale.

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